Pour une co-construction en faveur des territoires et de la culture
En s’attachant à soutenir les actions de concertation des acteurs culturels, les collectivités renforcent les outils de leur propre développement. Mais, en perdant de vue la spécificité du secteur, elles risquent d’étouffer l’innovation créatrice.
Tous les niveaux de collectivités ont la compétence culture, un terrain de jeu partagé, souvent qualifié de mille-feuille et source de complexité pour les acteurs culturels. Comme l’illustrent leurs engagements financiers, les communes, intercommunalités, départements et régions y sont très attachés. Selon l’Observatoire des politiques culturelles (OPC), plus d’une collectivité territoriale sur deux a augmenté ses dépenses culturelles en 2018 (encadré). Faut-il ou non désigner un chef de file ?« Si les CTAP (conférences territoriales de l’action publique) n’ont pas fonctionné, cela ne veut pas dire que nous ne travaillons pas ensemble. La logique d’un guichet unique ne correspond pas aux attentes des acteurs culturels », estime le président de la FNCC, Jean-Philippe Lefèvre.
Le soutien aux structures
Selon le ministère de la Culture, plus de la moitié des dépenses des collectivités (56 %) sont consacrées au soutien de l’expression artistique et aux activités culturelles (spectacle vivant, arts visuels, enseignement artistique principalement) et plus d’un tiers sont destinées à soutenir la conservation et la diffusion du patrimoine. Les premiers financeurs de la culture soutiennent avant tout le secteur dans une logique visant à renforcer l’attractivité et le développement de leurs territoires. Certaines collectivités vont plus loin que l’aide à la création et au fonctionnement, apportant leur soutien pour consolider les structures, s’appuyant avec l’État sur des initiatives construites par les professionnels. La Nouvelle-Aquitaine participe à l’animation de quatre filières. Un choix qui renforce l’attractivité de son territoire. « Aujourd’hui, nous sommes face à un grand dilemme : allons-nous devoir refuser l’arrivée de nouvelles compagnies et de nouveaux festivals ? », illustre amusée Nathalie Lanzi, vice-présidente chargée de la jeunesse, du sport, de la culture et du patrimoine de la région.
Les régions en tête
Pilotant les politiques de développement économique et de formation, les régions s’impliquent en s’appuyant sur des agences culturelles qui, parfois, sont déclinées secteur par secteur. La Bretagne a constitué avec la Direction régionale des affaires culturelles de Bretagne, les départements des Côtes-d’Armor, du Finistère, d’Ille-et-Vilaine, du Morbihan et Rennes Métropole un établissement public de coopération culturelle, « Livre et lecture en Bretagne », dont la vocation est triple : observatoire, lieu d’accompagnement et de coopération. Avec ces outils, les régions favorisent la création de filières professionnelles.
Les petits acteurs constituent le vivier de l’innovation et de la créativité.
Dans les Pays de la Loire, le Pôle de coopération pour les Musiques Actuelles constitue un réseau de 125 structures de la filière Musiques Actuelles représentant chacune les différents maillons de la filière musicale. Soutenu par la DRAC et la région, il fait partie des 13 pôles régionaux de musiques actuelles en France. Un schéma d’orientation pour le développement des arts de la marionnette (SODAM) a été mis en place en Occitanie. « Ce processus de concertations entre l’État et les collectivités a été initié par les artistes, un centre national de la marionnette était annoncé, les artistes de la région ont voulu y être associés. » Pour Sébastien Cornu, animateur du SODAM, l’idée n’était pas de condamner la logique de labellisation mais de se regrouper, de s’affirmer pour y être associé. Une façon de décliner le bel adage : l’union fait la force. « Il faut que les pouvoirs publics mettent en place ces structures intermédiaires et favorisent la co-production », confirme Philippe Henry.
Des efforts restent à faire
Les métropoles ne sont pas en reste, créant des outils spécifiques comme les clusters culturels, réunissant industries et acteurs culturels dans une logique d’innovation. « Est-ce que ces politiques locales de développement économique des territoires sont compatibles avec les besoins des acteurs de l’économie et de la culture ? » Pour le chercheur spécialisé dans le champ des industries culturelles, Bruno Lefèvre, la réponse n’est pas tranchée. « Encore faut-il que le dispositif créé le soit avec et pour les professionnels. À l’instar des clusters, les labels « capitale de la culture » pour rendre attractifs les territoires favorisent les gros acteurs au détriment des petits acteurs qui constituent le vivier de l’innovation et de la créativité, une réalité fondamentale de la culture. »