Pour faire face, les acteurs de la culture renforcent l’action collective
Axé en priorité sur l’offre, le soutien public favorise la profusion mais aussi la fragilité économique du secteur. Les acteurs, en déclinant des initiatives collectives, appellent à une nouvelle forme de politique culturelle.
L’offre culturelle n’étant pas fondée sur un besoin préétabli, rien ne laisse présager qu’elle va trouver son public. Le risque qui en découle explique la place prégnante des financements publics et peut entraîner un phénomène d’hyper-offre. « Parmi cette profusion d’offres, seule une petite partie est fortement valorisée. Ce qui explique une très forte concentration de la valeur et de la consommation », commente Philippe Henry, chercheur en socio-économie de la culture. De tels écarts provoquent une très grande inégalité sociale entre acteurs culturels. « La culture est une des économies génératrices des plus grandes inégalités. Ces tensions et contradictions justifient la nécessité d’une régulation par la puissance publique. » Et Philippe Henry d’ajouter : « La mécanique de surproduction est constitutive de ce secteur. C’est à l’État et aux collectivités locales de faire un état des lieux pour surveiller cette hyper-offre, mais aussi de réguler pour éviter la captation des valeurs par les acteurs importants du secteur privé. » Peut-on pour autant parler d’offre pléthorique ? « Tout le monde reconnaît qu’il y a énormément de compagnies dans le spectacle vivant avec une capacité d’absorption réduite. Les théâtres ont une capacité d’accueil limitée et il est rare qu’une représentation soit bénéficiaire et les spectacles crées ne tournent pas beaucoup », estime Helène Icart du bureau de production Prima Donna.
Soutiens publics à revoir
Or, le soutien public est avant tout porté sur la création. Les collectivités guidées par un objectif d’attractivité du territoire favorisent les têtes d’affiche et l’État labellise les opérations et les institutions soutenues. « L’enjeu est de travailler dès la naissance du projet pour favoriser un modèle économique approprié », estime Francis Gelin, directeur de l’agence Grand-Est. « La notion de valeur économique doit être équilibrée entre les acteurs et c’est là, la difficulté. » La logique de financement très verticalisé a amené à un dysfonctionnement des modèles économiques.
Reste à renforcer la place de la diversité, garante des droits culturels.
Plus d’un tiers du budget du ministère de la Culture, soit 1,2 milliard d’euros en 2019, est consacré à des subventions pour quelque 70 opérateurs culturels (établissements publics et services à compétence nationale) dont la moitié pour six d’entre eux (Bibliothèque nationale de France, Universcience, Opéra national de Paris, musée du Louvre, Institut national de recherches archéologiques préventives et Centre national Pompidou). Et Francis Gelin d’ajouter : « Il est temps de renforcer le dialogue et la solidarité. »
Consolider les initiatives collectives
Comprenant la nécessité du collectif, les acteurs culturels ont lancé des actions de mutualisation. Filières, groupements d’entreprises, lieux intermédiaires… la solidarité trouve de nouveaux terrains de jeu. Montrant l’exemple, les acteurs privés à but non lucratif ont défini de nouvelles règles du jeu. Organisés en association, en Scop ou en Scip, ils ont ouvert des réflexions sur des solutions alternatives : les lieux culturels s’ouvrent au public et aux entreprises, les troupes partagent le matériel, les personnels et les lieux de spectacles. Ils cherchent des outils pour porter les espaces culturels et s’affranchir des contraintes économiques. Réunis, les créateurs trouvent de nouvelles opportunités de collaboration et définissent une nouvelle façon d’ouvrir la culture aux habitants. Aujourd’hui, force de proposition et d’innovation, ces acteurs appellent à un plus grand soutien des pouvoirs publics.