Le bâtiment : secteur cible prioritaire pour la décarbonation
Le bâtiment, avec près de 30 % des émissions carbonées, représente un enjeu majeur en termes de décarbonation. Quelles sont les mesures prises (renforcement de la rénovation, future norme habitat RE2020, etc.) ?
Le secteur du bâtiment, rappelle la SNBC est, après les transports, le plus consommateur d’énergie et le deuxième plus gros émetteur de gaz à effet de serre. Les rejets carbonés des bâtiments résidentiels et tertiaires proviennent en effet à la fois des émissions directes liées aux consommations lors de l’utilisation de l’habitat (gaz, fioul, etc.) ainsi qu’aux fluides frigorigènes, mais aussi de la production d’énergie (réseau de chaleur, électricité), via les réseaux urbains. Deux émetteurs, qui représentent un peu plus de 25 % des rejets de GES, auxquels il faut ajouter les émissions liées à la construction/ déconstruction. Dans sa stratégie publiée en avril, le gouvernement sépare ces dernières émissions pour les intégrer au secteur de l’industrie.
La fin du fioul et du charbon pour le chauffage.
Les objectifs de la SNBC en la matière visent à faire passer les émissions directes et indirectes à zéro en 2050, avec une cible intermédiaire de 49 % de réduction en 2030. Tandis que les rejets liés à la construction ne sont pas précisés. Mais l’industrie liée aux bâtiments, notamment les cimentiers et les sidérurgistes, doit réduire ses émissions de 81 % entre 2015 et 2050, selon la SNBC. La PPE fixe de son côté l’objectif court terme, de 15 % de baisse de la demande dans le bâtiment et une progression de 50 % de la chaleur renouvelable et de récupération d’ici à 2028. Pour atteindre lesdits objectifs, le principal levier réside dans une rénovation majeure du parc français résidentiel mais aussi tertiaire. Ainsi, alors que quelque 250 000 logements sont rénovés actuellement chaque année (performance énergétique inclue), la cible visée est de 500 000 par an sur l’actuel quinquennat, puis 700 000 par an entre 2030 et 2050. Un plan de rénovation énergétique est ainsi mis en œuvre, avec un fonds de garantie de 50 millions d’euros afin d’aider quelque 35 000 ménages les plus modestes à améliorer leur habitat énergétiquement, et lutter contre les « passoires thermiques ». Une simplification des aides est aussi prévue et en cours. Quelque 4,8 milliards d’euros sont enfin ajoutés pour une rénovation massive des bâtiments publics de l’Etat et des collectivités.
Pas de performance énergétique sans efficacité énergétique
L’efficacité énergétique des bâtiments résidentiels et tertiaires doit être améliorée radicalement, pour atteindre une baisse de la consommation d’énergie de 40 % au moins en 2050 par rapport à aujourd’hui, insiste la SNBC. Ceci passe par la priorité à l’abandon du chauffage au fioul et au charbon (peu présent). Pour les bâtiments de l’Etat, l’interdiction du recours aux chaudières fioul est actée depuis janvier 2020. Mais cela implique également une orientation du secteur vers des usages d’énergies 100 % décarbonées, notamment la chaleur bois, voire l’électricité pour autant qu’elle soit issue de sources vertes. Il faut en outre accroître les niveaux de performance énergie et carbone des bâtiments neufs, notamment grâce aux réglementations environnementales (cf. la réglementation thermique RE2020) et en privilégiant des approches intégrées en analyse de cycle de vie (prise en compte du confort d’été pour éviter la climatisation, isolation très performante, recours aux ENR et aux matériaux à faible empreinte carbone, notamment biosourcés). Enfin, les équipements doivent aussi voir leur efficacité se renforcer, notamment via un gain d’efficacité des appareils de 15 % à 60 % entre aujourd’hui et 2050. Le recours aux technologies intelligentes est aussi à privilégier dans ce cadre, ainsi qu’un encouragement des ménages à mieux gérer leur énergie.
Un marché créateur d’emploi impacté par la crise
Les besoins de rénovation du secteur des bâtiments représentent un fort potentiel en matière de création d’emplois dans la durée et de valeur ajoutée au niveau local, signale le Haut Conseil du climat (HCC) dans son dernier rapport. Le secteur de la construction au sens large représente quelque 2,6 millions d’emplois en France, la rénovation énergétique dans le bâtiment résidentiel représentant un marché de 29 milliards d’euros et plus de 200 000 emplois en 2016. Néanmoins, ce secteur a été fortement impacté par la crise sanitaire. Selon le HCC, il manquerait entre 120 000 et 150 000 logements neufs en France à la fin de 2020, compromettant 200 000 à 300 000 emplois directs. La crise a également entraîné un fort recul des actions d’efficacité énergétique entrant dans le cadre du dispositif des certificats d’économie d’énergie (CEE). Un secteur qui, rappelle le HCC, qui contribue à environ 20 000 emplois directs et indirects. La crise exacerbe également les fragilités sociales préexistantes et renforce les situations de précarité, dont la précarité énergétique. La SNBC soutient ainsi que l’accompagnement des ménages modestes pour les travaux d’isolation des logements ou le changement du système de chauffage est indispensable, en particulier via des aides à l’investissement (aides à la rénovation énergétique, éco-PTZ ou prêt à taux zéro, certificats d’économies d’énergie…). Reste que dans cette jungle d’aides, les ménages sont souvent perdus, et que le « reste à charge », après les aides, demeure un handicap sérieux. Et la crise ne devrait qu’aggraver cet état de fait.