« L’élément le plus important, c’est l’évaluation des politiques publiques et leur convergence globale »
Le rapport remis par le HCC début juillet pointe de nombreuses difficultés pour parvenir à l’objectif de neutralité carbone en 2050. Quel est pour vous le premier défi à relever ?
La France a des bons objectifs climatiques mais, concrètement, elle ne les atteint pas ! Les émissions de GES diminuent de 1 % environ sur les dernières années, or, ce recul devrait tripler d’ici à 2025. Il faut dès maintenant insérer le plan de relance et les grandes décisions publiques dans les limites du climat. Cela concerne bien sûr l’énergie, mais aussi l’agriculture et l’utilisation des terres. Sur les quatre grands secteurs émetteurs – transports (30 %) et bâtiment, agriculture et industrie, avec entre 18 % et 19 % chacun –, tous ont dépassé leur seuil sur le premier budget carbone. L’ensemble des politiques et tous les ministères doivent converger pour ne pas prendre d’un côté des décisions économiques et de l’autre des décisions sur l’environnement.
Les décisions suite à la crise sont-elles à même de redresser la trajectoire que vous indiquez être mal engagée ?
L’élément le plus important, c’est l’évaluation des politiques publiques. Quand on met une politique en place, il faut savoir comment elle va influencer les émissions de GES, soit maintenant, soit plus tard. Par exemple, la loi sur les mobilités, on ne sait pas quel sera son impact sur les rejets de GES. Il faut une culture de l’évaluation. La crise du Covid, et notamment le confinement, a causé un recul des émissions, conjoncturel.
La transition « juste » est un enjeu central.
Mais il faut veiller à ce que les investissements massifs pour faire repartir des économies aident à développer des infrastructures vertes nécessaires sans verrouiller les investissements intensifs en carbone. Des mesures pour créer de l’emploi et faire baisser les émissions sont à portée, par exemple, la rénovation énergétique des bâtiments ou les transports publics, y compris les mobilités douces (vélo, etc.). Mais aider l’automobile et l’aviation, avec peu de contraintes climatiques et d’évaluation, ne va pas dans le bon sens. Il faut être beaucoup plus ferme sur les conditionnalités et soutenir une évolution des filières vers la neutralité carbone.
Comment garder le cap dans la durée ?
Le plus important est de piloter le plan de relance et la stratégie climat dans son ensemble. Il faut aussi soutenir les régions pour qu’elles jouent un rôle d’impulsion. Le climat devrait devenir un cadre de référence nationalement pour que les régions et les localités s’emparent des objectifs climat, notamment en relevant les défis de la formation et l’accompagnement des entreprises. Comme l’a montré la crise des Gilets jaunes, la transition « juste » est un enjeu central, car elle touche à la vulnérabilité, à l’emploi et au bien-être. Sinon, cela peut mettre un frein aux politiques climatiques. La Convention citoyenne pour le climat est une initiative remarquable, mais le gouvernement doit désormais être très transparent dans son suivi. Enfin, au niveau international, le leadership de la France est attendu. La France soutient l’engagement de l’Europe, qui est aussi en voie d’avoir un objectif de neutralité carbone en 2050. Cela va faciliter les efforts sur le territoire français. Un effort accru d’engagement global est nécessaire afin d’atteindre les objectifs de l’accord de Paris.