Une hausse inquiétante de l’infertilité ?
Aujourd’hui un couple sur huit consulte pour des problèmes de fertilité selon l’INSERM. Assiste-t-on pour autant à une hausse de l’infertilité ?
En France, entre 1989 et 2005, la concentration de spermatozoïdes chez les hommes a diminué de 32,2 %, selon une enquête de Santé publique France (2018). À cela s’ajoute une augmentation des malformations génitales, pubertés précoces, problèmes de testicules… La fertilité humaine est en danger selon plusieurs études. Pour André Cicolella, toxicologue, « la principale explication est le rôle des perturbateurs endocriniens ». Pesticides, plastiques, cosmétiques viendraient perturber les équilibres hormonaux. On connaît l’effet néfaste de certaines substances chimiques comme le plomb, l’éther présent dans des colles, peintures, pesticides, ou encore le bisphénol A, interdit en France mais encore présent dans de nombreux emballages plastiques importés. Néanmoins, les recherches sur les perturbateurs endocriniens en sont encore à leurs prémices, et sont particulièrement complexes, car nous sommes exposés tout au long de notre vie à un cocktail de milliers de molécules chimiques. Difficile donc d’isoler celles qui auraient un impact sur notre fertilité.
Une hausse des consultations plutôt que de l’infertilité
Pour Charlotte Sonigo, médecin de la reproduction et chercheur à l’INSERM, « on ne peut pas dire avec certitude que l’infertilité est en hausse. Ce qui est sûr, c’est que de plus en plus de couples consultent pour infertilité ». Et la principale explication à ces consultations est l’augmentation de l’âge de la première grossesse : « De plus en plus de femmes de plus de 35 ans veulent être enceintes », constate le médecin.
Les recherches sur les perturbateurs endocriniens débutent juste.
Or la fertilité chute drastiquement après 35 ans, les contraignant à passer par l’AMP. En cause : des études féminines plus longues, l’envie de faire carrière, mais aussi des couples plus fragiles. Les gynécologues-obstétriciens, comme René Frydman, signalent également une méconnaissance, nouvelle, de l’horloge biologique. Il préconise donc que, « de la même façon que tous les Français de plus de 50 ans reçoivent une lettre pour se faire dépister du cancer du côlon, les femmes pourraient recevoir un courrier les informant sur la baisse de leur fécondité dans les années à venir, pour que nous n’ayons plus face à nous des patientes disant qu’elles ne savaient pas ».
Autre explication à cette hausse des consultations : l’infertilité « n’est plus tabou », constate Charlotte Sonigo. À cela s’ajoute une « anxiété à ne pas avoir d’enfant rapidement, analyse Virginie Rozée, sociologue spécialiste du sujet à l’INED. En effet, la contraception donne l’impression que l’on peut décider quand avoir des enfants, et crée l’illusion de tout contrôler. Certaines femmes croient qu’elles seront enceintes immédiatement après avoir stoppé leur contraception ». Mais la fertilité est complexe et cela peut prendre du temps. Anxieux, certains couples demandent l’aide de la technique rapidement, alors qu’ils auraient pu s’en passer. « Les gens sont moins patients, confirme Charlotte Sonigo. De manière générale, on recourt plus rapidement qu’avant à la technique et les diagnostics d’infertilité sont posés plus vite. Ainsi, jusqu’en 2010, l’OMS considérait que l’on était infertile après deux ans de relations sexuelles non protégées. Aujourd’hui, un an suffit ».