Questions à… Virginie Rozée, sociologue à l’INED
Comment expliquer le recours croissant à la technique pour procréer ?
La première explication est l’existence même de cette technique ! Avant, on subissait le fait de ne pas pouvoir concevoir, ou alors on « s’arrangeait » entre amis. Il y a également une diversification des profils qui y recourent : les couples de même sexe, et les femmes et les hommes seuls ont désormais la possibilité de concevoir leur propre enfant. Petit à petit s’est construite une revendication à l’indifférence quant à l’accès aux techniques, affirmant que, quelle que soit sa situation, on doit pouvoir y avoir recours. Pour les couples de même sexe, l’idée est que l’on peut physiquement avoir un enfant, pourquoi alors se limiter à l’adoption ? Pour les femmes seules, c’est différent : leur vie a fait qu’elles n’ont pas rencontré le bon conjoint, ou qu’elles se sont réveillées tard en raison de leur carrière. Le recours à la technique est un choix par défaut.
Peut-on parler de nouveaux « droits reproductifs » ?
Les droits reproductifs ont été définis lors d’une conférence internationale au Caire en 1994. Ils correspondent au fait de ne pas imposer aux femmes de ne pas avoir d’enfant, en affirmant que c’est à elles de décider quand et combien elles en veulent. À l’époque, ces droits ne s’appliquaient pas à l’AMP, il s’agissait d’une prise de position face aux programmes de limitation des naissances dans un contexte de surpopulation. Mais le concept sous-jacent de cette notion de « droits procréatifs » est le droit de décider librement de sa vie reproductive, et pourrait donc s’appliquer à l’AMP, par exemple pour défendre son extension aux couples de même sexe ou aux femmes seules.