Questions à… Laure de Saint-Pern, maître de conférences en droit privé à l’Université de Paris (ex-Descartes)
Y a-t-il une « manière française » de fabriquer la bioéthique ?
La révision régulière des lois de bioéthique et le regroupement de tous les sujets bioéthiques en une seule loi sont des spécificités françaises. Notre système de droit a aussi tendance à poser des principes généraux, c’est-à-dire que le législateur pose un cadre qui s’applique à toutes les situations à venir. Alors que le législateur anglo-saxon, par exemple, se saisit de sujets qui viennent à lui en raison d’un conflit ou de la difficulté d’un cas précis.
Que vaut notre cadre bioéthique, si facilement contournable en allant à l’étranger ?
Effectivement le cadre donné peut paraître immédiatement obsolète tant ces enjeux sont mondialisés. Mais, en suivant ce raisonnement, il ne faudrait plus faire aucune règle ! Pouvoir violer les règles de droit en allant à l’étranger, dans le domaine procréatif comme dans le domaine fiscal par exemple, ne met pas en péril la règle, selon moi. Empêchons plutôt qu’elle soit violée !
Le politique a-t-il les armes pour légiférer sur ces sujets complexes ?
Le politique se saisit de beaucoup d’autres sujets complexes ! Néanmoins, il y a peut-être dans le monde politique contemporain un manque de culture scientifique, à mesure que l’on trouve moins de médecins, auparavant très représentés, parmi les élus. Un autre enjeu selon moi est que le législateur opère sur ces sujets par petites touches en réformant un élément pris isolément, sans penser à la cohérence d’ensemble de notre droit. C’est le cas par exemple pour l’ouverture de la PMA à toutes, sans qu’il y ait de réforme du chapitre de la filiation.