En Chine, les premiers bébés génétiquement modifiés
En 2018, le chercheur chinois Jiankui He annonce la naissance en Chine de Lulu et Nana, des jumelles conçues par FIV, dont il a modifié le génome, provoquant une onde de choc internationale.
Les premiers bébés génétiquement modifiés par l’homme sont deux jumelles chinoises, nées en 2018. Leur génome a été transformé par un chercheur chinois, Jiankui He, dans le cadre d’un processus de FIV : son équipe a en effet modifié le patrimoine génétique des embryons avant de les implanter dans l’utérus de la femme, provoquant l’indignation de la communauté scientifique internationale. Depuis, le scientifique a été condamné à 3 ans de prison ferme et 380 000 euros d’amende pour pratique illégale de la médecine. Il avait utilisé la méthode révolutionnaire d’édition du génome mise au point au début des années 2010 : les ciseaux génétiques Crispr-Cas9 qui permettent de faire des coupures sur l’ADN et éventuellement d’en remettre un bout réparé, de manière simple et à moindre coût. Son objectif était de changer le génome des jumelles, dont le père est atteint du VIH, pour les rendre résistantes au Sida.
Une transgression éthique et des risques avérés
Outre la transgression symbolique de cette modification du génome humain, les études sur cette expérience ont récemment montré les risques pris par le scientifique. Tout d’abord, utilisant une méthode encore balbutiante, l’équipe a « généré des mutations inédites, pour lesquelles les effets sont inconnus. Peut-être confèrent-elles une résistance au VIH, mais peut-être pas.
En attendant la régulation, les expérimentations continuent.
Peut-être ont-elles d’autres conséquences, expliquent Dimitri Perrin, de la Queensland University of Technology, et Gaetan Burgio, généticien à la Australian National University, dans un article pour The Conversation (janvier 2020). L’utilisation de Crispr-Cas9 peut avoir des impacts indésirables à d’autres positions du génome ». Une prise de risque d’autant plus injustifiable que les modifications ne concerneront pas seulement les fillettes mais également leur descendance. Sans compter que ces modifications ne s’attaquent pas à un besoin thérapeutique pour lequel il n’y avait pas de solutions : en effet, dans le cadre d’une FIV, « la technique du “lavage de sperme” est une façon efficace d’éviter la transmission du virus », estiment Dimitri Perrin et Gaetan Burgio.
Une régulation à la traîne
Pointée du doigt, la Chine a installé en urgence un arsenal juridique et annoncé un renforcement de ses structures déontologiques. À l’échelle mondiale, de nombreuses sociétés savantes et comités d’éthique appellent à une régulation rapide. L’OMS a constitué un comité consultatif d’experts « visant au développement de standards internationaux de gouvernance et de surveillance de l’édition du génome humain ». En attendant, les expérimentations continuent : un biologiste russe, Denis Rebrikov, a annoncé récemment vouloir réitérer l’expérience du chercheur chinois, avec une méthode prétendument plus efficace.
INFO +
Selon le code civil français, « nul ne peut porter atteinte à l’intégrité de l’espèce humaine », et donc modifier son patrimoine génétique. La nouvelle loi bioéthique autorise Crispr-Cas9 pour modifier des embryons, à des fins de recherche uniquement (pourvu qu’ils ne soient pas implantés ensuite, en vue d’une naissance).