L’inquiétude des religions face au futur de la procréation
Dans un discours presque unanime, les religions défendent l’altérité de la filiation, l’intérêt de l’enfant ou encore l’indisponibilité du corps humain.
Investies d’un rôle social, la plupart des religions portent une réflexion sur la technicisation de la procréation. Elles ont notamment participé au débat sur le projet de loi bioéthique de ces derniers mois. Les parlementaires ont ainsi entendu Haïm Korsia, grand rabbin de France, Pierre d’Ornellas, archevêque de Rennes, et François Clavairoly, président de la Fédération protestante de France. L’occasion pour Haïm Korsia de rappeler que « tout progrès n’est pas souhaitable. C’est cette limitation qui fonde l’éthique ». « Nous vivons dans la société du désir », a-t-il souligné, qualifiant cette société d’« adolescente : on veut, et tout immédiatement ».
« Des conceptions techniciennes et mercantiles de l’être humain »
Le grand rabbin de France a aussi rappelé que « l’humanité s’est construite sur l’altérité entre le père et la mère ». Une défense de l’altérité de la filiation reprise par l’Église catholique au nom de la protection du « plus faible », ici l’enfant. Très présent sur le sujet, le président de la Conférence des évêques de France, Éric de Moulins-Beaufort, s’inquiète également d’« une forme de procréation sans corps dans laquelle le géniteur ne serait qu’un fournisseur de matériel génétique », ainsi que d’une « possible commercialisation des gamètes » en raison de la pénurie. « Tout en gardant un certain sens de la dignité humaine, du principe de non-disponibilité du corps humain, nos sociétés se laissent entraîner dans des conceptions extrêmement techniciennes et mercantiles de l’être humain. »
Un enjeu anthropologique
Cette indisponibilité du corps humain – principe français qui expose que notre corps nous est propre mais ne nous appartient pas comme un bien ou une propriété aliénable, que l’on pourrait donner ou vendre – est également défendue par le responsable de l’Union des mosquées de France, Mohammed Moussaoui. « Le droit musulman assume et revendique cette limitation de la liberté individuelle et ne reconnaît à personne une liberté absolue de disposer de son corps », affirme-t-il. Alors que le conseil français du culte musulman n’a pas répondu à l’invitation des parlementaires lors des auditions sur le projet de loi, c’est le recteur de la Grande mosquée de Paris Dalil Boubakeur qui s’est exprimé sur le sujet, rappelant « le rôle structurant des traditions familiales et filiales » et prévenant des « conséquences anthropologiques de son délitement, en premier lieu, pour le bien de l’enfant ». Quant aux protestants, François Clavairoly, président de la Fédération protestante de France, s’interroge : « Faut-il encourager la fabrication d’enfants à la demande ? », alors qu’apparaît « une médecine visant à satisfaire des souhaits ». Même alarme chez le Comité protestant évangélique pour la dignité humaine qui défend « l’intérêt de l’enfant à naître ».
La position des loges maçonniques
La technicisation de la procréation suscite une prudence unanime chez les représentants des grandes religions présentes en France. Ce n’est pas le cas des cinq loges maçonniques, auditionnées à l’Assemblée en tant que « courants philosophiques ». Certains de leurs représentants ont même dit leur soutien à la gestation pour autrui. « Il faudra s’y pencher », a ainsi estimé Bruno Tavernier, pour le Grand Orient de France, au nom de « l’égalité entre les hommes et les femmes ».