L’explosion du marché des techniques procréatives
En Russie, une GPA peut valoir jusqu’à 80 000 euros ; la plus grande banque de sperme du monde, l’entreprise danoise Cryos, facture entre 60 et 460 euros l’échantillon (12 000 euros pour l’exclusivité du stock d’un donneur) ; aux États-Unis, la congélation des ovocytes sans raison médicale coûte 10 000 euros… L’essor des techniques a ouvert au marché un nouveau domaine : la procréation, déjà investie par des centaines d’entreprises, et évaluée, pour la seule PMA, à 4,8 milliards $/an par le Transparency Market Research. Déjà, un Américain sur 60, un Français sur 30 et un Japonais sur 25 est né d’une FIV. Et les chiffres devraient augmenter, alors que l’accès aux techniques s’ouvre aux couples de même sexe et aux célibataires. « Avec des marges financières élevées (30 % aux États-Unis pour une FIV à 20 000 dollars) et un désir d’enfant imperméable aux récessions, on comprend que les investisseurs soient excités ! » analyse The Economist. FIV, tests génétiques, dispositif de congélation d’ovocytes… en tout, l’industrie mondiale de la fertilité pourrait atteindre 41 milliards de dollars d’ici 2026, contre 25 milliards de dollars aujourd’hui selon Data Bridge. En Chine, les cliniques spécialisées dans la fertilité se multiplient, passant de 88 à 451 entre 2006 et 2016.
Un marché dérégulé
Pour l’encadrer, les législations nationales pèsent peu : il suffit de se déplacer dans un pays peu regardant pour accéder à toutes les techniques possibles. Ainsi, l’institut Feskov en Ukraine propose un « pack » GPA à 28 700 euros incluant l’assurance-vie de la mère porteuse, un diagnostic pré-implantatoire pour choisir le sexe et s’assurer un enfant « en bonne santé », le choix d’un donneur de phénotype souhaité, et un nombre de FIV illimité. Sans limite, jouant sur le désir incompressible de donner la vie, le marché procréatif est accusé de vendre de fausses promesses aux personnes en mal d’enfant. « Les techniques de préservation des ovocytes sont chères, invasives, très souvent inefficaces et régulièrement survendues », constate ainsi The Economist, citant le slogan d’une société américaine, Prelude, qui promet à ses clients d’avoir « autant d’enfants en bonne santé qu’ils veulent, quand ils les veulent »… Dans certains pays, il donne également lieu à des situations d’exploitation et des inégalités nouvelles, tel le commerce des mères porteuses dans les pays pauvres, répondant à la « demande » de couples des pays riches, qui ont conduit la Thaïlande et l’Inde à interdire la GPA pour les étrangers.
La personne humaine, objet d’échanges marchands
L’entrée de la procréation dans le champ du marché pose aussi des questions philosophiques.
L’industrie de la fertilité, un marché à 41 milliards $ en 2026.
« Porter le corps humain au marché, c’est y porter la personne elle-même, dénonce la philosophe Sylviane Agacinski. Dans une société civilisée, le corps d’une personne humaine, en principe, n’est pas une chose dont on peut faire commerce, et l’accès aux ressources biologiques humaines n’est possible que grâce au don bénévole et gratuit. » Il s’agit du principe, français, de non-marchandisation du corps humain. Reste que, vraisemblablement, face à la pénurie de gamètes, la France n’aura pas d’autre choix que d’acheter sperme et ovocytes à l’étranger pour répondre à la « demande » croissante d’AMP, voire de remettre en question la gratuité du don de gamètes, entrant alors de plain-pied dans ce marché d’un nouveau genre.