Dépistage génétique : vers des bébés « 0 défaut » ?
Avec la FIV s’ouvre la possibilité de « prédire l’enfant », en examinant et en sélectionnant l’embryon qui sera implanté, via le diagnostic pré-implantatoire (DPI). Jusqu’où ?
En France, le diagnostic pré-implantatoire (DPI) est possible dans des cas très précis, lorsqu’il s’agit d’éviter la transmission à l’enfant d’une maladie génétique incurable portée par les parents. Aucune liste de ces maladies n’a été établie : la décision revient aux centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal.
797 demandes de DPI acceptées en 2017.
Selon le dernier rapport de l’Agence de biomédecine (ABM), 284 maladies génétiques peuvent être diagnostiquées par DPI, notamment la mucoviscidose, la chorée de Huntington (maladie neurodégénérative) ou encore la dystrophie myotonique de type 1 (une forme de myopathie). Cette liste grandit d’année en année, tout comme les demandes de DPI, passées de 918 à 1018 entre 2016 et 2017. Le taux d’accord s’élève à 80 % en 2017, soit 797 demandes acceptées. Le principal motif de refus étant « la difficulté ou l’impossibilité à mettre en œuvre l’AMP, telle une insuffisance de la réserve ovarienne » chez la femme, explique l’ABM. Globalement, en 2017, 12,5 % de couples supplémentaires ont eu recours à un DPI par rapport à 2016.
Une extension des caractéristiques observées
Très encadrée, l’extension du champ des maladies observées grâce au DPI suscite néanmoins des réserves. « Les comités ont élargi progressivement les indications médicales, depuis des maladies monogéniques (mucoviscidose, myopathie) jusqu’à des maladies moins graves comme l’hémophilie », alerte par exemple Jacques Testart, biologiste qui dénonce un « eugénisme de fait ». La tentation est grande en effet d’aller observer toujours plus loin le génome de l’embryon pour obtenir des bébés « O défaut ». Certains États vont même au-delà de la recherche de pathologies : à Chypre par exemple, on peut recourir au DPI pour choisir le sexe de son enfant, et en Grande-Bretagne, il peut être utilisé pour éviter un strabisme, ou encore pour détecter un gène ayant un risque important (et non plus certain) de provoquer une maladie, comme un cancer du sein.
Un risque de dérive eugénique
En France, l’examen du projet de loi bioéthique a donné lieu à un débat houleux sur une extension du DPI aux malformations chromosomiques, proposée par une quarantaine de députés dans un amendement (finalement rejeté). Ainsi étendu, le DPI aurait permis de détecter, et de retirer du processus de FIV, des embryons porteurs de trisomies non viables (donnant lieu à une fausse-couche), et donc d’éviter une souffrance supplémentaire aux femmes. Un moyen d’augmenter l’efficacité des FIV, dont seulement 20 % environ donnent lieu à une naissance. Mais ces tests auraient aussi permis de détecter le handicap de la trisomie 21, qui est viable. De quoi provoquer un « malaise » chez certains, dont Agnès Buzyn, ministre de la Santé, lors des débats : en autorisant l’extension, « nous procéderions à un tri d’embryon qui consisterait à éliminer la maladie, en éliminant les embryons atteints de trisomie […]. Mais alors pourquoi s’arrêter à la trisomie ? On met la main dans un engrenage », a-t-elle défendu, s’interrogeant : « Combien de temps serons-nous capables de résister à l’extension de la recherche d’anomalies sur d’autres maladies pour toutes les FIV ? »