Suisse : Le modèle Suisse, contre l’étalement urbain
La Suisse est l’un des pays en Europe à avoir le mieux réussi à maintenir des petits formats traditionnels de commerces, fidèle à sa logique de compacité urbaine.
Non concernée par la directive Services de l’Union euro-péenne, la Suisse qui a la particularité d’avoir le plus fort pouvoir d’achat en Europe dispose de très peu de centres commerciaux et d’ensembles de grandes surfaces. Deux coopératives de distribution se partagent le marché : Coop et Migros. Peu d’enseignes étrangères ont pu ainsi s’implanter dans le pays. Or, les deux leaders nationaux ont choisi depuis de nombreuses années d’investir dans les centres-villes. Le réseau ferré suisse particulièrement dense, inter-connecté et efficace permet en effet un approvisionnement optimal jusqu’en cœur de ville. Ces particularités ont permis d’afficher des taux de vacance commerciale très bas.
Le principe du non-gaspillage du sol disponible
En termes d’urbanisme, « l’espace est vu comme un bien commun et le foncier comme patrimoine commun de la nation », souligne l’architecte Marta Alonso-Provencio qui rappelle l’importance en Suisse « du principe du non-gaspillage du sol disponible ». Cette priorité donnée à la ville compacte et à la lutte contre l’étalement urbain contraint fortement tout projet commercial qui doit passer par trois niveaux : confédéral pour les questions environnementales et de mobilité, cantonal et communal pour les plans directeurs locaux. Plus que jamais avec les actuelles exigences de développement durable, l’implantation d’activités commerciales privilégie la compacité et la mixité des usages.
Certains pays en Europe ont su adopter une approche « aménagiste ».
L’idée est de favoriser un aménagement urbain à même de redistribuer les intensités urbaines et de réduire les déplacements motorisés individuels. « Ville d’un peu plus de 200 000 habitants, Fribourg, en Suisse, a fait le choix de maintenir son tramway et d’organiser l’évolution de la ville autour de celui-ci. Il en résulte une maîtrise de la consommation d’espace par emploi et par habitant et une qualité de vie renommée, favorisée par la très forte dynamique commerciale et une
vie étudiante développée le long des cinq lignes de ce transport collectif », constate Arnaud Gasnier, professeur en géographie et aménagement à l’université du Mans.
La bonne activité au bon endroit
Dans leur étude « Qualification de l’espace public, commerce et urbanisme durable : notes sur le cas lausannois » (Revue Géographique de l’Est, 2013), Marta Alonso-Provencio et Antonio Da Cunha notaient qu’« au niveau de la Confédération, les acteurs de l’administration s’inscrivent dans un souci de recherche d’un meilleur équilibre entre spatialisation des commerces et organisation des centralités, et affirment que c’est l’addition et la dispersion des centralités marchandes qui pose problème au développement durable ». Depuis 2010, la Suisse a encore accentué sa politique de régulation en encadrant davantage ce qu’elle appelle les Installations Commerciales à Forte Fréquentation (ICFF) : ces implantations sont en effet désormais conditionnées à des critères de qualité urbaine et de protection environnementale. La démarche vise à placer « la bonne activité au bon endroit » en réalisant une analyse selon le type d’activité et son profil de mobilité en tenant compte de la localisation et des effets induits des flux de circulation sur l’environnement.