Comment les micro-plastiques transportent la pollution
En absorbant les polluants présents dans les cours d’eau qui les charrient jusqu’à la mer, les fragments d’objets plastique contaminent la faune et la flore marines.
L’accumulation de plastiques de toutes sortes dans les océans ne date pas d’hier, et nous avons tous en tête des images de tortues de mer étouffées par des pailles, de cétacés échoués aux estomacs remplis de sacs plastique ou encore de « soupes » de plastique géantes repérées dans divers océans et parfois qualifiées de « septième continent » en raison de leur taille.
Mais l’intérêt des chercheurs pour l’origine de cette pollution et les micro-plastiques, qui représenteraient 90% de la masse des déchets océaniques, est beaucoup plus récent. Jusqu’à présent, on pensait que les cours d’eau charriaient des macro-déchets, bouteilles ou sacs plastique, d’une durée de vie de 100 ans à 400 ans, qui se dégradaient ensuite en mer sous l’effet du soleil et des vagues.
La dernière mission de la fondation Tara Océan a montré que ce n’était pas le cas. Elle a été menée de mai à novembre 2019 en collaboration avec 17 laboratoires de recherche, 40 scientifiques, chimistes, océanographes, physiciens et biologistes, et sous l’égide du CNRS. Des prélèvements ont été effectués à l’embouchure, en aval et en amont de la première grande ville à forte population, dans neuf des plus grands fleuves européens : la Tamise, l’Elbe, le Rhin, la Seine, l’Ebre, le Rhône, le Tibre, la Garonne et la Loire. Bilan : tous sans exception contenaient des micro-plastiques. Aussi bien des microbilles présentes dans les cosmétiques, que des fragments d’objets en plastique de plus grande taille. Contrairement à ce que l’on pensait jusqu’à présent, c’est avant même d’arriver à la mer que ces déchets, charriés par les cours d’eau dans lesquels ils ont été déversés ou apportés par les égouts, la pluie, le vent, le ruissellement ou les inondations, sont réduits en morceaux de taille inférieure à 5 millimètres.
Espèces invasives, bisphénol A, phtalates, pesticides et métaux lourds
Et ce n’est pas une bonne nouvelle. D’une part, ces fragments de plastique servent de supports et de vecteurs à toutes sortes d’organismes qui s’y agglutinent, parmi lesquels des espèces invasives qui menacent les écosystèmes. Comme tout plastique, ils disséminent des perturbateurs endocriniens tels que le bisphénol A ou les phtalates. Mais leur nocivité va au-delà.
Ingérés par les poissons, ces polluants sont aussi dans le sel de table.
En effet, au cours de leur long chemin pour parvenir jusqu’à la mer, ils absorbent également toutes sortes de polluants présents dans les cours d’eau, tels que des pesticides, des hydrocarbures ou des métaux lourds, avec une concentration des molécules qui peut être multipliée jusqu’à 100 000 fois. Autrement dit, les micro-plastiques amplifient et exportent cette pollution jusque dans les océans, où elle contamine la faune et la flore marines, avec des conséquences connues : ralentissement de la croissance, reproduction perturbée, métabolisme et système hormonal modifiés. Ingérés par les poissons ou les coquillages que nous consommons ensuite, ces polluants se retrouvent également dans le sel marin de table. Les scientifiques de la mission Tara analysent maintenant ces déchets afin de préciser leur provenance et pour identifier les bactéries et micro-organismes qui participent à leur fragmentation.