Pression sur la ressource, pollution… L’eau, victime de la mode
L’industrie textile engloutit de gigantesques volumes d’eau, tandis que le lavage des vêtements à bas coût rejette fibres et produits chimiques jusque dans les océans.
Malgré de grandes disparités, partout dans le monde la quantité de vêtements achetés par personne n’a cessé de croître depuis l’après-guerre, pour connaître un bond de 60% en 15 ans. En parallèle, les consommateurs conservent aujourd’hui ces vêtements deux fois moins longtemps. Avec 9 kg d’achats par an, le Français se situe dans la moyenne européenne. Synonyme de rotations accélérées des collections (qui vont jusqu’à 24 par an pour certaines marques) assortie d’une baisse de la qualité, cette fast fashion s’est installée au début des années 2000.
35% des microplastiques des océans proviennent du lavage de textile.
Or, d’après l’agence des Nations unies sur le commerce et le développement (UNCTAD), la mode est l’une des industries les plus polluantes. Son empreinte carbone est alourdie par la production de matières premières, le transport du textile et des produits finis. Elle engloutit aussi de gigantesques volumes d’eau. Une seule paire de jean nécessiterait ainsi 7 500 litres, et au total, on évalue à 93 milliards de mètres cubes sa consommation annuelle, correspondant aux besoins de 5 millions de personnes. Au-delà de la pression sur la ressource en eau à toutes les étapes de la fabrication, l’industrie textile nuit aussi à sa qualité. Elle produit ainsi 20% des eaux usées, chargées en teintures et autres substances chimiques.
Les lessives libèrent détergents et fibres synthétiques
Mais c’est le lavage de ces vêtements qui constitue la plus grande menace sur la qualité de l’eau. Une seule lessive peut libérer dans les eaux usées jusqu’à 700 000 particules de plastique. Ces fibres textiles contiennent des détergents venus de la lessive ou de parfums et des microplastiques, contenus dans le polyester ou les polymères acryliques. Ces particules, qui ne sont pas filtrées par les stations d’épuration, sont rejetées dans les océans et mettent des décennies à se dégrader. 500 000 tonnes de microfibres sont ainsi déversées chaque année dans les océans, soit l’équivalent de 3 millions de barils de pétrole à partir duquel sont fabriqués ces nouveaux matériaux en fibre synthétique bon marché et résistante, devenue la matière la plus utilisée dans le prêt-à-porter. Selon l’Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN), 35% des microplastiques rejetés dans les océans proviendraient du lavage de textiles. Ces ravages sont accentués par l’effet “fast fashion”, car les vêtements neufs libèrent plus de colorants et de microfibres lors des lessives.
Filtres obligatoires pour lave-linge
C’est une première mondiale. A compter du 1er janvier 2025, la loi économie circulaire oblige les fabricants de machines à laver le linge à les équiper d’un filtre. Celui-ci devra stopper le passage dans les eaux usées des fibres de plastique microscopiques libérées lors des lessives par les vêtements en matériaux artificiels. Des filtres extérieurs à brancher en sortie de machine sont déjà disponibles.