Les territoires en première ligne pour protéger l’eau potable
Au centre du droit français de l’eau, la préservation des zones de captage a vu ses modalités évoluer au fil du temps, jusqu’à la loi « Proximité et engagement » de décembre 2019, qui confère de nouvelles responsabilités au bloc communal.
La protection des zones de captage d’eau potable, destinée à préserver de toute pollution les nappes phréatiques dont proviennent 68% de l’eau consommée en France, est un élément central du droit français de l’eau. Elle figure dans la première loi sur l’eau de 1964, qui pose le principe d’une gestion par grands bassins versants et créé les agences de l’eau, mais vise essentiellement les pollutions accidentelles. Celle de 1992 organise la politique de l’eau via les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE). Depuis 2009, ils sont élaborés pour six ans pour chacun des 12 bassins hydrographiques par un comité de bassin composé de représentants des collectivités, de l’État, des usagers (industriels, agriculteurs, consommateurs) et des associations. La loi de 2004 transpose la directive-cadre européenne (DCE) sur l’eau de 2000, qui vise la non-dégradation des ressources et des milieux ; le bon état des eaux, souterraines et superficielles ; la réduction des pollutions liées aux substances et le respect de normes dans les zones protégées. Comme tous les Etats-membres, la France devait atteindre le bon état des eaux à l’horizon 2015, avec une dérogation possible à 2021, voire 2027.
Le traitement de la pollution coûte entre 500 millions et un milliard par an
Malgré les objectifs de préservation et de restauration de l’eau et des milieux aquatiques fixés dans les SDAGE, les résultats se font attendre, et la mauvaise qualité de l’eau est la raison la plus fréquente des quelque 400 fermetures annuelles de points de prélèvements (sur 35 000). Et cette pollution coûte cher.
8% de l’eau potable consommée provient des nappes phréatiques.
Répercuté sur la facture des consommateurs, le coût des mesures prises par les exploitants en cas de dépassements des normes, – de 500 millions à un milliard d’euros –, est 2,5 fois plus élevé que celui d’une politique de préservation de la ressource, selon la Cour des comptes. En 2007, le Grenelle de l’Environnement désigne 500 captages prioritaires (auxquels s’ajouteront 500 supplémentaires lors de la conférence environnementale de 2013), inscrits dans les SDAGE et régulièrement mis à jour, qui feront l’objet d’un traitement particulier. Mais cela ne suffit toujours pas. On observe de bons résultats sur certains captages concernés, mais fin 2019, une petite moitié des 1 000 captages prioritaires faisait l’objet d’un plan d’action. A l’issue des Assises nationales de l’eau, le gouvernement décide de mettre un nouveau coup d’accélérateur à ce chantier.
Des stratégies régionales et des plans d’action pour 1 000 captages prioritaires
Suite à la deuxième phase des Assises, qui a souligné le rôle des collectivités, la loi « Engagement et proximité » de décembre 2019 élargit les compétences du bloc communal à la protection de la ressource en eau potable, assortie d’un droit de préemption sur les terres agricoles situées dans les aires d’alimentation des captages. En février, les ministères de la Transition écologique et solidaire, de l’Agriculture et de la Santé publient une instruction donnant mission aux préfets de sensibiliser et mobiliser les collectivités et les chambres d’agriculture, d’associer les parties prenantes et leurs représentants aux démarches et de veiller à la mobilisation coordonnée des services de l’Etat et des établissements publics. Avec un objectif clair : engager des plans d’actions sur la totalité des 1 000 captages prioritaires avant fin 2021. Pour y parvenir, des engagements devront être formalisés entre les acteurs de l’eau et du monde agricole sur au moins 350 captages prioritaires d’ici à 2022, 500 en 2025. Pour ce faire, le gouvernement donne un an aux préfets de région pour élaborer des stratégies régionales partagées de mise en œuvre de la protection des captages. Un bilan de l’avancement des actions devra être présenté deux fois par an.