« Le changement climatique se fait connaître à l’homme par des crises liées à l’eau »
Comment avez-vous fait face à la crise sanitaire ?
Suez est une entreprise rompue à la gestion de crises. Nous avons capitalisé sur l’épisode H1N1 pour nous organiser dans le cadre de la crise du Covid-19 et mettre en place des plans de continuité d’activité (PCA) permettant d’assurer la sécurité de nos collaborateurs et le maintien du service. Au confinement, nous n’avons conservé que nos missions essentielles, qui ont été assurées par 2 800 collaborateurs sur un total de 11 000. Dans une structure très décentralisée, chaque région a mis en œuvre son propre PCA pour intégrer les besoins spécifiques de ses clients.
Comment voyez-vous l’avenir de la ressource en eau et de vos métiers ?
Le changement climatique se fait connaître à l’homme d’abord par des crises liées à l’eau. En France, en 2019, près de 90 départements ont été frappés par des arrêtés de stress hydrique.
90 départements ont été frappés d’arrêtés de stress hydrique en 2019.
En outre, 1 litre d’eau transporté sur 5 est perdu, ce qui a justifié les investissements dans les réseaux d’eau potable décidés lors des Assises nationales de l’eau. Côté consommateurs, nous essayons à plusieurs niveaux, notamment grâce aux outils digitaux, d’aider à la prise de conscience et à l’évolution des modes de vie. Nous poussons à la sobriété et à la baisse de l’empreinte carbone des services d’eau et d’assainissement en investissant dans les énergies renouvelables et l’hydrogène, dans la méthanisation des boues et dans le re-use, qui ne représente encore que 0,8% de la consommation en France. L’assainissement, longtemps assimilé à une nuisance, s’inscrit aujourd’hui parfaitement dans l’économie circulaire en produisant de l’énergie, des eaux usées ré-utilisables, etc. Nous proposons ces solutions à nos clients en considérant la spécificité de leurs territoires.
Comment voyez-vous la fin de la crise sanitaire ?
Nous sommes alignés sur les mesures gouvernementales en matière de déconfinement. Etant donné la situation de certains gros consommateurs d’eau comme les cafés/hôtels/restaurants, nous anticipons une reprise d’activité très progressive. Il en est de même avec les collectivités locales et avec nos clients industriels. Certaines mesures prises dans le cadre de la pandémie préfigurent probablement une réglementation plus stricte. Ce sera sans doute le cas pour les normes d’utilisation des boues de stations d’épuration (comme annoncé par l’Anses début avril), en matière de sécurisation des réseaux d’eau potable, de protection des zones de captage ou encore de surveillance des eaux de baignade…Ces évolutions devraient permettre de mettre en lumière les défis liés à l’eau et à l’assainissement et nous conduire à innover.
Vous plaidez avec d’autres auprès de Bruxelles pour que la directive-cadre sur l’eau (DCE) ne soit pas révisée dans l’immédiat, pourquoi ?
La DCE a fixé des objectifs ambitieux en matière de qualité des masses d’eau. Nous pensons qu’une révision pourrait conduire à amoindrir ces objectifs. Par ailleurs, nous faisons partie des entreprises mobilisées pour que le plan de relance européen se fasse dans l’esprit du green deal et que la crise économique déclenchée par la crise sanitaire ne ralentisse pas le tempo de la transition écologique. Nous préconisons que l’investissement complémentaire nécessaire – évalué à 245 milliards d’euros d’ici à 2027 – soit fléché vers les solutions qui peuvent le mieux contribuer à l’objectif européen de neutralité carbone et à la restauration écologique. Ces technologies permettraient d’économiser de 30 à 40% de l’énergie consommée dans l’assainissement, d’abaisser le montant des investissements nécessaires dans les infrastructures (digitalisation, recours à l’intelligence artificielle et l’internet des objets) grâce au pilotage des réseaux en temps réel et de diminuer l’empreinte de l’eau agricole de 30 à 40% grâce à la « smart irrigation ».