La qualité de l’eau : un enjeu exacerbé par la pression croissante sur la ressource
L’agriculture et l’élevage intensifs, les modes de vie modernes et le changement climatique pèsent sur la quantité d’eau disponible par habitant, et rendent d’autant plus précieuse la lutte contre toutes formes de pollutions.
Le changement climatique ne change rien à l’affaire. Par la magie du grand cycle de l’eau, d’évaporation en précipitations, la quantité d’eau sur terre reste constante. Mais sous l’effet de la croissance démographique, des bouleversements climatiques et d’un développement économique parfois peu respectueux de l’environnement, la disponibilité de la ressource devient un enjeu pour un nombre croissant d’individus. Ainsi, avec une population mondiale passée de 1,65 milliard d’individus en 1900 à 7,7 milliards aujourd’hui, la quantité disponible d’eau douce (moins de 3% de l’eau sur terre) par habitant a été divisée par deux depuis 1960. La multiplication de précipitations violentes liée au changement climatique aggrave encore la situation, en favorisant le ruissellement de l’eau sur des sols secs ou imperméabilisés, synonyme de pollution des eaux de surfaces et des nappes phréatiques. Or, plus les eaux sont polluées, moins il y a d’eau potable disponible, sauf au prix de traitements coûteux.
Nous ingérons chaque semaine l’équivalent d’une carte bancaire
Précisément, selon l’ONU, la qualité de l’eau s’est considérablement détériorée partout dans le monde depuis 1900. Le développement industriel s’est accompagné de nombreuses pollutions chimiques accidentelles ou au long cours. Si elles se sont raréfiées dans les économies les plus matures sous l’effet de normes environnementales toujours plus strictes, ça n’est pas le cas partout. Cette situation est d’autant plus critique que certaines des industries les plus polluantes, telles que le textile et la fast fashion, sont précisément concentrées dans les régions les moins exigeantes sur ce plan.
40% de la population mondiale est confrontée au stress hydrique.
Partout, nos modes de vie menacent la qualité de l’eau, des fibres de textile artificiel rejetées par les lessives aux mégots de cigarettes abandonnés dans la nature, en passant par les déchets plastiques transformés en micro-particules. Charriées jusqu’aux océans, celles-ci contaminent la faune et la flore aquatiques et jusqu’à la santé humaine via la chaîne alimentaire. Une étude du WWF évalue à 5 grammes (l’équivalent d’une carte bancaire) la quantité de plastique que nous ingérons par semaine. Pire encore, avant de parvenir à la mer, ces micro-plastiques se chargent des substances présentes dans les cours d’eau, notamment nitrates et pesticides rejetés par l’agriculture et l’élevage intensifs. En France, cette pollution est celle qui a le moins diminué ces dernières années, en dépit des différents plans instaurés par les gouvernements successifs. Or les effets sur les écosystèmes et la santé humaine des perturbateurs endocriniens, bien qu’avérés, restent encore mal connus.
La France n’échappe pas à la menace de la sécheresse
Autre effet du changement climatique, des périodes de sécheresse plus intenses et plus longues dans les régions déjà les moins bien dotées accentuent le stress hydrique. Selon l’ONU, 40% de la population mondiale y est déjà confrontée et, en 2030, la demande en eau douce sera de 40% supérieure à l’offre. Or l’accès à l’eau alimente déjà de multiples conflits, comme celui qui oppose la Chine (20% de la population mondiale pour 7% des ressources en eau), l’Inde (16% de la population, 4% des ressources) et le Bangladesh autour du fleuve Brahmapoutre, ou l’Egypte et l’Ethiopie autour du Nil. L’innovation technologique est en plein essor, portée par les grands groupes et toute une galaxie de startup. Les pays les plus en butte au stress hydrique, tels que Singapour ou Israël, sont champions de la dépollution, la désalinisation et la réutilisation des eaux usées, ou «re-use». La France, qui conformément à la directive-cadre sur l’eau (DCE) doit, comme l’ensemble des Etats-membres de l’Union européenne, atteindre le « bon état » de ses masses d’eau d’ici à 2027, n’échappe pas à la menace de la sécheresse. 2019 a été une année record avec 87 départements concernés par des limitations d’usages de l’eau. Et 2020, après l’hiver le plus doux depuis 1900 et un printemps très sec, ne s’annonce pas mieux. Outre la piste du «re-use», sur laquelle la France accuse un grand retard, la protection des zones de captage d’eau potable à l’initiative des chambres d’agriculture et des collectivités, sous l’égide des agences de l’eau, figure parmi les solutions prônées par les Assises de l’eau organisées par le gouvernement en 2018 et 2019.