Emploi et exclusion digitale : l’effet double peine
Inclusion numérique, insertion dans l’emploi, même combat ? Toutes les études pointent en tout cas de fortes zones de percolation sociologique entre les publics éloignés du numérique et les demandeurs d’emploi. En se fondant sur les données de l’Insee renseignant le niveau de chômage en fonction du niveau de formation, et en appliquant ces taux à la part des actifs éloignés du numérique, on peut déduire un taux de chômage supérieur d’un point au sein de cette population.
75% des emplois requièrent la maîtrise de compétences numériques.
Une surreprésentation qui s’explique sans doute par un moindre niveau moyen de qualification (39% de non-diplômés contre 11% pour l’ensemble des internautes), mais aussi par la numérisation de plus en plus systématique des démarches liées à la recherche d’emploi. Dans la recherche de travail ou dans la perception des droits au chômage, Internet est en effet devenu un biais opératoire difficilement contournable. Plus de 90% des personnes interrogées dans le cadre de l’enquête RegionsJob 2017 y voient d’ailleurs le moyen le plus efficace pour trouver un travail.
13% des demandeurs d’emploi n’utilisent pas ou utilisent peu Internet
Depuis 2016, l’inscription à Pôle emploi se fait exclusivement par Internet. Or, selon l’opérateur national, 13% des demandeurs d’emploi n’utilisent pas ou utilisent peu Internet dans leur recherche. En outre, selon l’enquête Offre d’emploi et recrutement de la Dares de 2016, 41% des employeurs utilisent leur site web pour recueillir des candidatures. Dans 45% des recrutements, internet a été un outil de diffusion des annonces ou consultation des CVthèques. Mais l’explosion numérique a également des effets – de mieux en mieux renseignés par les études – sur la structure même des emplois et, partant, sur celle du marché du travail. Si France Stratégie estime que 75% des emplois requièrent la maîtrise de compétences numériques, il apparaît que le numérique dessine un monde du travail en forme de sablier : en bas, des emplois peu ou pas qualifiés (agents d’entretien et manutentionnaires des entrepôts reliés aux plateformes), en haut, les emplois à forte qualification (ingénieurs, développeurs). Entre 2005 et 2015, dans les pays de l’OCDE, les premiers et les seconds ont respectivement progressé de 2,3% et de 5,3%. Alors que, dans le même temps, les emplois moyennement qualifiés chutaient de 7,5%. Les enjeux en matière d’emploi relèvent de la responsabilité partagée des acteurs publics et privés. L’approche étatique, qui vise à une autonomie citoyenne dans le rapport à la vie administrative, doit donc s’envisager en complément de l’approche entrepreneuriale, qui consiste à piloter la transformation des organisations et l’accompagnement des actifs dans la requalification de leurs compétences.
Les femmes encore exclues des métiers numériques
Les chiffres de l’Observatoire paritaire des métiers du numérique, de l’ingénierie, des études et du conseil et des métiers de l’événement sont éloquents : les femmes ne représentent que 30% des effectifs du numérique. De plus, cette présence est très largement concentrée sur les fonctions dites “support” (les ressources humaines, l’administration, le marketing ou la communication). Une situation plus que confirmée à l’échelle européenne. En 2015, alors que 57% des diplômés de l’Union étaient des femmes, seulement 25% d’entre elles avaient obtenu un diplôme dans les filières du numérique et elles n’étaient plus que 13% à travailler dans le secteur.