Mineurs non accompagnés : l’angle mort de la protection de l’enfance
Les chiffres varient : 25 000 en 2018, selon l’Institut convergences migrations, 41 000, selon l’Assemblée des départements de France (ADF). Le nombre de mineurs non accompagnés (ou MNA, anciennement mineur isolé étranger) présents sur le sol français aurait triplé entre 2016 et 2018, selon l’ADF. Ces personnes âgées de moins de 18 ans, n’ayant pas la nationalité française et étant séparées de leurs représentants légaux en France, entrent dans le droit commun de la protection de l’enfance et dépendent donc des départements. Le coût de cette prise en charge est estimé à près de 2 milliards d’euros par l’ADF.
Les départements attendent plus de soutien de l’État
« Fin 2019, le département des Bouches-du-Rhône accueillait plus de 1 000 MNA. Leur nombre a quintuplé en 5 ans. Les dépenses liées à leur prise en charge représentaient 8 millions d’euros en 2014 et avoisinent les 50 millions en 2019 », déclare Roger Campariol, directeur général adjoint de la Solidarité au département des Bouches-du-Rhône. Face à ce phénomène, les départements jugent que l’État ne les aide pas suffisamment dans leur mission d’accueil des MNA. « Le système de répartition nationale fixé notamment sur la base de critères démographiques, bien qu’amendé récemment, ne tient compte ni des conditions économiques et sociales, indices de précarité, ni des capacités d’accueil des départements », regrette Roger Campariol.
Ces mineurs, qui ont souvent une santé dégradée, sont dans des situations extrêmement précaires, certains étant exploités par des réseaux et consommateurs de stupéfiants. Une note du ministère de la Justice du 5 septembre 2018 souligne ainsi que de nombreux départements, et surtout les grandes métropoles, comme Paris, Marseille, Montpellier, Lille, Lyon, Nantes et Rennes, sont confrontés à l’augmentation du nombre de MNA impliqués dans des affaires pénales.
Protection de l’enfance et gestion des flux migratoires
Ne disposant d’aucun hébergement, ces jeunes étrangers délinquants sont généralement incarcérés sans suivi éducatif d’un conseil départemental ou de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Sans compter que l’épineuse question de l’évaluation de minorité de ces jeunes sans papiers laisse planer encore plus d’incertitudes sur leur prise en charge.
Le nombre de MNA en France aurait triplé entre 2016 et 2018.
Sur ce point et au-delà de la question des faits de délinquance, l’État a opté pour une solution de contrôle préalable à toute évaluation de minorité via le décret n° 2019-57 du 30 janvier 2019 autorisant la création d’une base de données de ces jeunes. « Comme 11 autres départements, Paris a décidé de ne pas appliquer ce décret facultatif. Nous considérons qu’il s’agit d’abord d’une question de protection de l’enfance. Notre travail n’est pas de gérer les flux migratoires, cela relève de la compétence de l’État », estime-t-on à la mairie de Paris qui évalue elle-même chaque année, avec le concours de la Croix Rouge, 7 000 jeunes étrangers, dont 30% sont finalement reconnus mineurs et donc pris en charge par l’aide sociale à l’enfance.