Une justice des mineurs en profonde transformation
Les multiples modifications de l’ordonnance de 1945 nécessitent plus que jamais un rappel aux principes fondateurs de ce texte de référence donnant la primauté à l’éducation.
Après-guerre, la plupart des pays d’Europe ont élaboré une justice pénale des mineurs reposant sur la primauté de l’éducation et de la protection des enfants. En France, cette orientation est illustrée par l’ordonnance de 1945 qui régit la justice des mineurs. Mais elle a été amendée trente-neuf fois depuis sa création. Un premier tournant a été opéré au début des années 1990 avec la reconnaissance par la loi de la mesure de réparation. Elle amorce une nouvelle conception de la responsabilité du mineur. Cette mesure fait l’objet aujourd’hui d’un consensus chez les professionnels de justice. Le traitement systématique de toutes les infractions commises par les mineurs dont les juridictions sont saisies constitue un second tournant. Les réformes successives réalisées durant les années 2000 (pour certaines abrogées depuis) sont toutes allées dans le sens d’une aggravation des sanctions : centres fermés, peines planchers, tribunal correctionnel pour mineurs, accélération des procédures, réduction du droit à l’oubli…
Une jeunesse devenue un problème
« L’évolution des réponses apportées à la délinquance des mineurs suit celle du regard porté par notre société. D’une richesse inestimable comme évoqué dans le préambule de l’ordonnance de 45, la jeunesse est aujourd’hui considérée comme un problème », constate Geneviève Avenard, Défenseure des enfants, adjointe du Défenseur des droits.
Ce revirement, en France comme dans de nombreux autres pays, a fait l’objet en 2019, de la part du Comité des droits de l’enfant de l’ONU, d’une observation générale tenant à rappeler que « les enfants diffèrent des adultes par leur développement physique et psychologique. Ces différences constituent la base de la reconnaissance d’une moindre culpabilité et d’un système distinct avec une approche différenciée et individualisée ».
En l’occurrence, le projet de réforme en cours du code pénal des mineurs en France n’est pas exempt de critiques, selon Geneviève Avenard : « Si le principe de primauté de l’éducatif sur le répressif est réaffirmé, avec la prise en compte positive de la personnalité et des conditions de vie et d’éducation de l’enfant, le fait que le texte ne dise pas clairement que les moins de 13 ans ne sont pas pénalement responsables et ne supprime pas, en conséquence, la procédure de retenue en dessous de cet âge ou encore le délai qui peut s’avérer trop court entre l’audience de culpabilité et l’audience de sanction sont autant de mesures qui posent problème. » La Défenseure des enfants pointe également du doigt la suppression du délai de cinq jours, à partir de la mise en cause du mineur, pour mettre en place un accompagnement éducatif : « c’est clairement une remise en cause du devoir d’éducation ».
L’incarcération, ultime recours ?
Le durcissement de la législation a également fait vaciller un dogme de la justice des mineurs faisant de l’incarcération l’ultime recours. Si le nombre de mineurs incarcérés (801 le 1er octobre 2019) n’a pas explosé, 80% d’entre eux sont en détention provisoire. Sans compter le nombre croissant de mineurs placés dans les centres éducatifs renforcés et les centres éducatifs fermés. Or, les travaux réalisés sur l’incarcération des mineurs montrent de manière constante que celle-ci n’arrête pas la délinquance.