Royaume-Uni : La politique de la « tolérance zéro »
Originellement basée sur un modèle éducatif et paternaliste, la justice pour mineurs outre-Manche s’est résolument orientée à partir des années 80 vers un modèle plus répressif et « restauratif ».
Nombre de réformes sur la justice des mineurs adoptées en France au tournant des années 2010 se sont inspirées de celles mises en œuvre depuis 1997 au Royaume-Uni associant incivilités et comportements délinquants. Avant ce changement de paradigme outre-Manche, les nombreux textes ayant régi la justice pénale des mineurs en Grande-Bretagne avaient plutôt opté pour un « modèle de traitement paternaliste » dans la lignée du Children Act 1908. Depuis, les différents textes de lois adoptés des années 30 aux années 60 n’ont cessé d’aller dans le sens d’une assimilation entre délinquance et carences éducatives.
Certains enfants comparaissent devant le tribunal sans représentation légale ni adulte.
Les années 1980 marquent une rupture, avec le recours à une politique récusant le traitement social des délinquants juvéniles endurcis (Children Act 1989). En 1998, le gouvernement travailliste durcit encore la législation avec le Crime and Disorder Act 1998, rompant ainsi définitivement avec le principe de « l’intervention minimale » pour lui substituer une politique corrective consistant à imposer une sanction pour tout comportement transgressif, le fameux concept de la « tolérance zéro ».
Des résultats pour le moins mitigés
Depuis, une dizaine de textes législatifs ont complété l’arsenal judiciaire britannique dans ce domaine avec des résultats pour le moins mitigés. Aujourd’hui, la Grande-Bretagne enregistre en effet les plus forts taux de délinquance et de récidive des mineurs et le plus fort taux d’incarcération d’enfants parmi les pays membres de l’Union européenne. Dans un article publié en novembre 2019, le quotidien britannique The Guardian dressait un tableau peu amène de la justice des mineurs en Grande-Bretagne jugée « chaotique et dysfonctionnelle ». Le quotidien souligne ainsi que les affaires impliquant des enfants mettent aujourd’hui près de 40% de temps de plus qu’en 2010 pour traiter le dossier d’un mineur de l’infraction à la condamnation. De même, les taux de récidive chez les enfants sont plus élevés qu’ils ne l’étaient il y a dix ans : 40,9% des jeunes ont commis une infraction dans l’année suivant leur condamnation ou mise en examen en 2017, contre 28,3% des adultes âgés de 21 ans ou plus.
Des réductions budgétaires drastiques
Le quotidien relève que des enfants sont menés au tribunal avec des menottes et enfermés derrière une vitre pare-balles après avoir commis des infractions pourtant mineures. Certains enfants comparaissent devant le tribunal sans représentation légale ni adulte (un parent ou un travailleur social) pour les soutenir. Dans le Grand Manchester par exemple, en 2018 et 2019, la police n’a pas pris de décision sur 100 viols et un meurtre impliquant des enfants. Le ministère de la Justice considère pourtant que la justice pour mineurs est une réussite, mettant en avant la baisse sensible du nombre d’enfants mis en examen ou condamnés en Angleterre et au Pays de Galles : 26 681 en 2018 contre 106 969 en 2010. Cette forte réduction trouve son origine, selon The Guardian, dans les économies drastiques faites sur le budget du ministère (-25% depuis 2010) et sur celui de la prévention de la récidive passé de 333 millions de livres sterling en 2010 à 250 millions en 2018.