Une refonte de la loi, pour quoi faire ?
Rapporteurs de la mission d’information de l’Assemblée nationale sur la justice des mineurs de février 2019, Jean Terlier et Cécile Untermaier exposent leurs propositions.
Pourquoi faut-il réformer l’ordonnance du 2 février 1945 ?
Cécile Untermaier : Ce texte a été modifié à trente-neuf reprises depuis 1945. Huit réformes législatives sont ainsi intervenues entre 2002 et 2011. Il en résulte une grande complexité de la procédure et du droit applicable aux mineurs.
Jean Terlier : Les dispositions de l’ordonnance de 1945 sont difficilement utilisables par les professionnels du droit. Il faut redonner du sens au jugement en le prononçant notamment plus rapidement et replacer la victime au centre.
Il faudrait créer davantage de passerelles entre l’ASE et la PJJ.
C.U : Une réforme globale visant à codifier à la fois les dispositions de l’ordonnance de 1945, mais aussi celles du code civil relatives à la protection de l’enfance, est indispensable. Cependant, l’amendement présenté par le gouvernement ne prévoit qu’une codification de la partie pénale.
Quelles sont les principales idées reçues sur la justice des mineurs ?
C.U : Une première idée reçue concerne l’existence d’un fort taux de délinquance chez les mineurs. La mission d’information a constaté une délinquance stable, et même en baisse (- 7,4% entre 2016 et 2017). Il faut rappeler que seulement 3,6% des mineurs de 10 à 17 ans ont été impliqués dans une affaire pénale en 2017. Un supposé fort taux de récidive chez les mineurs délinquants est aussi souvent mis en avant. En réalité, parmi les mineurs condamnés pour délit en 2017, seulement 1,8% sont en situation de récidive légale.
J.T : Certains évoquent également le laxisme des juges. C’est inexact : la justice des mineurs affiche un taux de réponse de 93% qui est bien plus important que celui des majeurs.
Comment réduire encore le taux de récidive des mineurs délinquants ?
J.T : Il faut faire confiance à cette nouvelle procédure que nous proposons avec une mesure éducative suivie dans les 6 à 9 mois d’une décision adaptée à l’évolution du comportement du mineur.
C.U : Il est nécessaire de réfléchir à la réinsertion à travers des mesures de justice adaptées à la situation de l’enfant et un suivi de celui-ci, pendant et après la sanction. L’insertion professionnelle semble la voie la plus certaine vers la sortie de la délinquance. La préparation du passage à la majorité est tout aussi importante. C’est pourquoi nous avons proposé le maintien d’un éducateur référent entre 18 et 21 ans.
Qu’implique l’instauration d’un seuil de 13 ans pour l’incarcération ?
J.T : En fait, ce seuil ne changera pas le système actuel qui permet au magistrat de juger lui-même si le mineur est doué de discernement sans s’enfermer dans une règle couperet.
C.U : La fixation d’un tel âge pourrait donc faire l’objet d’exceptions en cas de faits particulièrement graves. Mais je pense que l’enfermement en-dessous de 13 ans ne peut pas régler les problèmes de l’enfant, contrairement à un vrai travail éducatif.
Comment pourrait-on clarifier les compétences respectives de l’ASE et de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) ?
J.T : Il faudrait d’abord créer davantage de passerelles entre les deux structures. Il y a parfois un problème de communication entre les éducateurs ASE et leurs homologues de la PJJ. Des conseils ad hoc pour faciliter ces échanges ont été mis en place dans certains départements.
L’insertion professionnelle semble la voie la plus certaine.
C.U : Face aux lourdes difficultés financières rencontrées par les départements, il semble essentiel de confier les compétences en matière de prévention spécialisée de la délinquance à la PJJ afin de garantir son égale application sur l’ensemble du territoire. Il faut donc clarifier les compétences, mais aussi les mutualiser. Et ce d’autant que la fixation d’un âge de responsabilité pénale à 13 ans impliquerait que les mineurs délinquants âgés de moins de 13 ans soient pris en charge au titre de l’assistance éducative ou de la PJJ. Il faudrait donc restaurer les crédits budgétaires de la PJJ afin de lui permettre d’exercer ses prérogatives en matière civile.
La création de 20 nouveaux centres éducatifs fermés (CEF) annoncée par le gouvernement est-elle appropriée ?
J.T : C’est une bonne initiative. Les magistrats ont dit qu’ils avaient besoin de ce type de mesure qui peut offrir des résultats avec un bon encadrement.
C.U : Alors qu’ils devraient favoriser la réinsertion et la rescolarisation, ils sont hélas trop souvent l’antichambre de la prison. Rotation importante des personnels, coût élevé, taux d’occupation en-deçà des objectifs fixés… une évaluation fine de ce mode de placement alternatif à la détention aurait dû être faite avant de s’engager dans cette orientation coûteuse et incertaine sur les résultats.