QUESTIONS À… Arthur Vuattoux, sociologue et maître de conférences, Université Paris 13
En quoi la justice des mineurs reproduit-elle une discrimination de genre ?
Dans mon travail au tribunal pour enfants, j’ai mis au jour des formes de discrimination qui relèvent certes du genre, mais qui sont indissociables des origines ethniques supposées des justiciables mineurs. L’exemple le plus frappant est celui des adolescentes roms, plus souvent condamnées à des peines d’emprisonnement que les autres filles, lesquelles, dans l’ensemble, « échappent » à la prison pour être davantage prises en charge au niveau médico-social.
Comment expliquer cette différence de traitement ?
La tendance est à une interprétation des situations des garçons au prisme de la délinquance, qui s’oppose à une interprétation « psychologisante » des situations des filles : tout écart à l’ordre social renverrait pour elles à des problèmes intimes, familiaux, de mal-être. Ce schéma général, genré, souffre de nombreuses exceptions, à l’instar des jeunes filles roms évoquées précédemment, qui ne sont appréhendées qu’à travers leur délinquance, alors qu’elles vivent parfois des situations de grande précarité sociale et psychique.
Les comportements des professionnels de la justice tendent-ils à changer ?
En matière de traitement judiciaire des mineurs, la permanence est la règle. On peut ainsi remonter aux analyses de Michel Foucault et à la question du traitement différentiel des illégalismes des classes populaires, surreprésentées au tribunal pour enfants. La justice, de manière générale, tend à valider des différences de traitement ancrées dans la société, renvoyant à la classe sociale, au genre, aux origines ethniques et à d’autres formes de discrimination.