Justice des mineurs : État-département, un tandem fragilisé
Parallèlement au recentrage de la Protection judiciaire de la jeunesse sur le pénal, la baisse des moyens mobilisés par l’État pour la protection de l’enfance met sous pression les budgets des départements.
« La présence de la Protection judiciaire de la jeunesse [PJJ] au sein de la prévention de la délinquance, de la lutte contre la radicalisation violente, de la protection de l’enfance et de la santé, est incontournable. » Rappelée dans une circulaire du ministère de la Justice en date du 24 novembre 2017, la prééminence de l’État via la PJJ dans le champ de la protection de l’enfance comme dans celui de la justice pénale des mineurs n’est certes pas contestée au niveau des territoires et sûrement pas par les conseils départementaux, garants de la protection de l’enfance via l’Aide sociale à l’enfance (ASE).
Un certain retour sur la décentralisation
Mais la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant a renforcé le rôle de l’État en ce domaine, marquant ainsi un certain retour sur la décentralisation. Si différents outils ont été mis en place afin de rapprocher les objectifs de l’ASE et ceux de la PJJ (Conseil national de la protection de l’enfant, Observatoire national de la protection de l’enfance, observatoires départementaux…), depuis 2011 l’État, qui s’est recentré sur le pénal, ne finance plus les mesures d’assistance éducative ordonnées par les juges des enfants.
Les départements se retrouvent dans l’obligation de prendre la relève.
La PJJ n’ayant plus les moyens de financer l’assistance éducative en milieu ouvert, les départements se retrouvent donc dans l’obligation de prendre la relève. « Le problème est que les dépenses d’aide sociale à l’enfance ont augmenté en 2018 de 2,6% alors que le Contrat de Cahors (pacte financier entre l’État et les collectivités conclu en décembre 2017) fixe un objectif d’évolution des dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales de 1,2 % par an sur cinq ans », relève-t-on à l’Association des départements de France (ADF). De fait, les dépenses globales pour la protection de l’enfance ne cessent de croître : de 7 milliards d’euros en 2014, elles sont passées à 8 milliards en 2018. « Une augmentation qui s’explique par la part écrasante consacrée au placement des mineurs (84%), bien plus coûteux, aux dépens de la prévention pourtant souhaitée par les professionnels et les départements », ajoute-t-on à l’ADF.
Un désinvestissement financier de l’État lourd de conséquences
Cette problématique des moyens, tant financiers que humains, hypothèque in fine les efforts pourtant engagés ces dernières années afin de mieux coordonner les actions nationales et locales. En 2019, le secrétariat d’État chargé de la protection de l’enfance auprès de la ministre des Solidarités et de la Santé a souhaité relancer cet effort de concertation avec les départements sur plusieurs thématiques (sécurisation des parcours, accueil familial, scolarité…). « Il est en effet essentiel de créer une plus grande fluidité entre les départements qui se chargent des mineurs victimes et l’État qui s’occupe des mineurs délinquants, sachant que parfois ce sont les mêmes enfants », note-t-on à l’ADF. Mais au quotidien, les départements doivent souvent palier le retrait de l’État. « Environ 20 à 25% des enfants pris en charge par l’ASE ont des problèmes psychiques. Or, la pédopsychiatrie qui dépend du ministère de la Santé est en grande difficulté par manque de moyens. Les départements alertent l’État, car sinon ce sont eux qui doivent faire face sans être pourtant armés pour cela », indique-t-on à l’ASE, ajoutant que « ce manque de moyens s’observe également dans le champ de la santé scolaire, compétence de l’État ». Des prises en charge supplémentaires lourdes pour les budgets des collectivités.