Vélo : créer les conditions de l’électrochoc
Diminution des émissions de gaz à effet de serre, effet bénéfique pour la santé, villes pacifiées… Les bienfaits du vélo sont multiples. Mais sa pratique n’est pas automatique. Elle suppose la création de réseaux dédiés, afin de rassurer les utilisateurs.
L’ambition est affichée. Tripler la part modale du vélo dans les déplacements du quotidien, pour passer de 3% aujourd’hui à 9% en 2024. Le timing est-il tenable ? « Pour atteindre cet objectif, il faut créer des infrastructures dédiées. Le délai me semble serré, évalue Jean Coldefy, expert en mobilité. Prenez l’exemple de Lyon : on y recense 4 millions de déplacements chaque jour. Il faudrait atteindre 360 000 déplacements par jour en vélo. C’est beaucoup… Mais mieux vaut être ambitieux ! » D’après lui, le report vers le vélo est possible en-dessous de 7 kilomètres, en ville.
La sécurité, critère prioritaire d’utilisation
Les déplacements à vélo en zone rurale s’avèrent plus compliqués. Les conseils départementaux, pris par d’autres compétences obligatoires (petite enfance, autonomie, dépenses sociales…), manquent de ressources pour aménager des pistes cyclables. Or, « le vélo ne peut être utilisé massivement que si les gens sont rassurés. Les conditions de sécurité sont le critère numéro 1. Le nouveau forfait mobilité ne suffira pas à convaincre les gens à prendre un vélo », observe Gilles Dansart, journaliste, fondateur du média Mobilettre, spécialisé dans les mobilités.
Le vélo peut être en complément d’un trajet en transport en commun.
Parmi les villes vertueuses, d’après lui : « Strasbourg, Bordeaux, Grenoble, et depuis quelques mois, Paris, avec la mise en service d’axes à double sens sécurisés. » Les ruptures de continuité sont identifiées comme « les vrais points noirs, poursuit-il. Certains carrefours sont difficiles à aménager. Les élus ne doivent pas hésiter à recourir à de l’ingénierie, car les infrastructures font les pratiques. Là où les trottoirs sont élargis, on dénombre davantage de piétons ». Une pratique qui fonctionne bien : les contresens vélo, matérialisés par une simple signalisation au sol. « C’est une solution idéale pour des petites rues. On déplore très peu d’accidents, et cela ne coûte quasiment rien ! » Globalement, les aménagements s’insèrent dans un espace public très convoité, entre bus, riverains, commerçants, voitures, vélos… « C’est de la dentelle. Il faut concerter, pour emporter l’adhésion », relève Jean Coldefy.
Logique d’interconnexion
La pratique du vélo ne consiste pas, par ailleurs, à relier forcément un point A à un point B. Il peut s’inscrire en complément de trajets en transport en commun. D’où l’importance du développement de stationnements dans les gares. « Nos modèles restent insuffisants, quand on les compare aux métropoles scandinaves ou allemandes. Le nombre de places de vélo prévues à proximité des futures gares du Grand Paris Express n’est pas à la hauteur des enjeux », estime Gilles Dansart. « Pour décarboner les mobilités, il faut proposer des systèmes alternatifs », renchérit Jean Coldefy.
Emergence d’un écosystème
Points positifs : la pression des associations et des usagers fait émerger un écosystème du vélo. Le nombre de vendeurs de vélo explose, et les vélos à assistance électrique rencontrent un vif succès : plus de 400 000 vendus en 2019, au lieu de 77 000 en 2015. A Paris, la Ville a délivré 11 000 aides en 2019, soit trois fois plus qu’en 2014. « Les associations sont davantage prises en compte par les élus, et elles-mêmes ont évolué, conclut Gilles Dansart. Elles sont moins défensives et formulent des propositions aux élus. Tout le monde a compris que c’est une évidence de pousser ces solutions-là. »