Les territoires passent à l’offensive pour diminuer la part de l’autosolisme
Elus et acteurs privés rivalisent d’ingéniosité pour faire émerger des solutions plus fluides et plus respectueuses de l’environnement. Alors que les trajets domicile-travail ont tendance à s’allonger, l’objectif est de sortir du tout-voiture.
« En 20 ans, la proportion des déplacements compris entre 20 et 50 km a explosé. Parmi les nouveaux arrivants dans des aires urbaines, les deux tiers s’installent en dehors du périmètre de la métropole, loin des transports collectifs », pointe Camille Combe, chargé de mission Mobilités à La Fabrique de la Cité (Vinci). Via des appels à projets, des initiatives voient le jour en matière d’autopartage, de covoiturage, de réseau d’auto-stop sécurisé, d’interconnexions avec le train, etc. La plateforme collaborative France Mobilités (cf p.20) donne accès à une base nationale d’initiatives menées dans les territoires. La gratuité, totale ou partielle, des transports en commun, s’est invitée dans le débat des élections municipales. Une part croissante d’actifs ne résidant pas dans la ville où ils travaillent, il faut désormais penser la mobilité à l’échelle des aires urbaines, et non pas commune par commune.
Transports à la demande, autopartage, téléphérique… IDF Mobilités lutte contre l’autosolisme
Bonne élève en la matière, Ile-de-France Mobilités multiplie les innovations « anti-autosolisme ». Comme la mise en place, à l’automne 2019, d’une centrale de réservation et de gestion des services de transport à la demande (TAD) au niveau régional. Neuf zones en grande couronne sont actuellement couvertes par ce système, plus souple. Une extension à l’ensemble de la région est prévue progressivement. L’opérateur alloue par ailleurs une subvention (jusqu’à 500 euros) pour l’achat de vélos à assistance électrique, de vélos cargo ou d’accessoires de sécurité (panier, casque, antivol…). La plateforme de demande d’aides a été mise en ligne le 20 février. « Il y a une effervescence autour des vélos électriques. Ce type d’aide rencontre un vif succès », observe Gilles Dansart, journaliste spécialiste des mobilités et directeur de Mobilettre. Autre axe de développement, l’encouragement au covoiturage de courte distance. Les déplacements domicile-travail ne constituent en effet qu’une petite part du covoiturage (seulement 3% !). Pour changer les habitudes, IDF Mobilités alloue 10 000 places de parc relais aux covoitureurs et intègre le mode covoiturage au calculateur multimodal Vianavigo. « La multitude d’offres de covoiturage peut être un frein à l’utilisation régulière de ce mode de transport », relève IDF Mobilités. L’offre de parc relais est cependant jugée trop faible par Jean Coldefy, expert en mobilités. « Il y a 17 000 places dans les parcs relais en Ile-de-France. Il faut multiplier ce chiffre par 40 ! Dans certaines gares, il n’y a que quelques dizaines de places. Les parkings sont pleins à 7h du matin. » Il suggère de localiser les parcs relais en amont des bouchons, et de finaliser la jonction avec la station de TER, RER ou métro par un système de navette à haute fréquence, circulant sur des voies dédiées. IDF Mobilités a voté la mise en service de cinq bus supplémentaires sur cette ligne express. L’opérateur porte aussi des projets d’infrastructures nouvelles, comme ce téléphérique urbain de 4,5 km qui doit relier Créteil et Villeneuve-Saint-Georges en 17 minutes, dans le Val-de-Marne.
L’importance de questionner en amont les besoins des utilisateurs
Partout en France, la mobilité s’invite en haut de la pile des dossiers à traiter dans les collectivités. « Il y a une élévation générale du niveau de compétences des élus et de leurs services, relève Gilles Dansart. Cela se double de vraies convictions. La ville 100% voiture, chère à Pompidou, n’est plus possible. Sauf dans des villes moyennes, où les transports en commun sont trop faibles.
Certains maires sont devenus des spécialistes de la mobilité.
Les vice-présidents en charge des mobilités, dans des métropoles comme Bordeaux ou Lyon, atteignent un très haut niveau de connaissances. Même des maires sont devenus des spécialistes ! Ils ont compris que la mobilité est aussi un élément de rénovation urbaine. » Une ombre au tableau : aussi surprenant que cela puisse paraître, les collectivités peinent à recueillir les chiffres précis relatifs aux mobilités. Pour les marchandises, par exemple, « on a du mal à avoir de la donnée privative : le nombre de tonnes de marchandises, le nombre de colis…, regrette Hervé Levifve, conseiller technique à la Ville de Paris. Ces données sont stratégiques pour les entreprises comme La Poste ou Amazon. » A Mulhouse, première agglomération française à avoir lancé une solution MaaS, en 2018, la concertation avec les habitants a joué un rôle-clé dans l’élaboration fine des solutions. « Nous avons interrogé des usagers potentiels, dès 2015-2016, pour identifier ce qui pouvait fonctionner et les facteurs clés de réussite, décrypte Christophe Wolf, directeur Mobilités et Transports à Mulhouse Alsace Agglomération. Par exemple, les utilisateurs souhaitaient être prélevés en une fois, en fin de mois, tout en pouvant consulter leur suivi consommation en temps réel. » Autre amélioration née des échanges avec les utilisateurs : le soin apporté au parcours client sur le site et les applications. « L’ergonomie a été testée pendant six mois, et cela n’a pas été du temps perdu », conclut-il.