Les dangers de la santé comme divertissement
L’essor de l’information médicale a développé une addiction aux questions de santé chez les citoyens, qui méconnaissent les risques auxquels ils exposent leurs données.
Aux premiers symptômes de maladie, on consulte Doctissimo avant son médecin traitant. En deux décennies, le site internet d’informations médicales ouvert aux contributions des internautes s’est imposé comme une référence dans le paysage médiatique. Pour autant, la lecture de ce site – détenu par le Groupe TF1 après avoir été dans le giron de Lagardère – peut s’avérer plus anxiogène qu’informative. Les émissions télévisées et les titres de presse magazine consacrés à la santé, de plus en plus nombreux, n’étanchent pas la soif d’information des patients. Le professeur Laurent Alexandre, cofondateur de Doctissimo, constate un paradoxe : « Plus les gens sont informés en santé, plus leurs peurs sont grandes. Les médicaments n’ont jamais été aussi sûrs qu’aujourd’hui, mais l’opinion publique a l’impression que la sécurité sanitaire s’est dégradée. » Pour lui, l’essor des réseaux sociaux n’est pas étranger à ce phénomène : « Nous sommes passés d’une logique informationnelle à l’ère du sensationnel sur les réseaux sociaux, où pullulent le charlatanisme et les fake news. Nous avons été naïfs, à l’aube d’Internet, de croire que la communication électronique serait vecteur de partage de connaissance. Pour autant, la mission du régulateur est délicate : empêcher la diffusion de fausses informations de santé ne ferait qu’abonder dans le sens des charlatans qui crient au complot et à la censure. » C’est avec la même candeur que nombre de citoyens utilisent des objets connectés qui monitorent leurs constantes vitales en temps réel. Conformément au Règlement de protection des données personnelles (RGPD), les fabricants de ces gadgets connectés sont tenus de collecter le consentement des utilisateurs européens. Mais ce consentement est-il réellement éclairé si l’utilisateur ignore l’usage qui est fait de ses données collectées par les GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft) via ces appareils et applications ?
Encadrer la « neurosécurité des patients »
Pour Laurent Alexandre, l’Etat doit concentrer son action sur la sensibilisation des citoyens, et sur l’encadrement de la sécurité des données, qui va connaître de nouveaux défis à l’avenir. « La médecine du futur va voir se multiplier les implants connectés. Ces technologies sont déjà une réalité : par exemple, des prothèses andocérébrales mises au point à Grenoble il y a vingt ans sont aujourd’hui utilisées avec succès pour les malades de Parkinson. Mais il faut garder à l’esprit que tout ce qui est électronique peut être hacké. La neurosécurité des patients est un champ qui s’ouvre, bien plus vaste que la cybersécurité. Cette question va dominer le débat public tout au long du siècle.