QUESTIONS À… Nathalie Coutinet Economiste et chercheure à l’université de Paris XIII (CEPN), coauteure de Économie du médicament, La Découverte, 2018
Que dire de la concentration de la production de molécules actives en Asie ?
La production mondiale des molécules actives se concentre en Chine, en Inde et en Corée du Sud, mais ces molécules sont assemblées dans les pays occidentaux. Cela implique un risque double : d’abord, il existe des cas de malfaçons, principalement en Chine, aux conséquences potentiellement graves pour le consommateur, car comme le définit l’Organisation mondiale de la santé, le médicament est un produit dangereux. Ensuite, cela fait peser un risque de pénuries : la Chine est devenue en dix ans le deuxième marché mondial de médicaments, et les laboratoires peuvent éprouver des difficultés à répondre à cet accroissement de demande si un incident survient dans la chaîne d’approvisionnement.
Quelles sont les conséquences en France de cette délocalisation ?
La délocalisation, qui est un moyen facile et rapide d’augmenter la rentabilité d’une entreprise, constitue un avantage fiscal injuste qui revient à faire payer trois fois le médicament au patient : outre la dépense au comptoir de la pharmacie, les citoyens paient une partie de la recherche avec leurs impôts, et la Sécurité sociale rembourse les médicaments à des prix parfois très élevés.
Une relocalisation en France est-elle économiquement viable ?
La relocalisation en France est une ambition pertinente, voire nécessaire, pour remédier aux pénuries. Les Etats ont les moyens d’y contraindre les laboratoires, sans danger de déstabiliser ces entreprises au vu de leurs profits colossaux. Les pouvoirs publics seraient légitimes à exiger des laboratoires qu’ils produisent un minimum en France. Créer une unité de production de génériques au niveau européen aurait également du sens.