Des collectivités locales pionnières passent à l’action
Les professionnels de santé qui sont en première ligne sur le terrain souhaitent ne pas être oubliés par l’Etat.
Professionnels de santé les plus proches des patients, les médecins et les pharmaciens constituent un maillon essentiel de la chaîne de pharmacovigilance, de prévention et de sécurité sanitaire. Pourtant, ils se sentent parfois bien seuls pour contribuer à ces missions incombant à la puissance publique. « Il est frustrant pour les pharmaciens d’apprendre une alerte sanitaire par voie de presse, voire par un patient », regrette Carine Wolf-Thal, présidente de l’Ordre national des pharmaciens.
« Quand un incident sanitaire survient, il est essentiel que les autorités nous en informent aussi rapidement que possible, car c’est vers nous que les patients se tournent en quête de réponses. » Pharmacienne d’officine à Rouen, elle a constaté ce rôle privilégié lors de l’incendie de l’usine Lubrizol en septembre dernier. « Avec 22 000 officines en métropole et outre-mer, les pharmaciens sont en mesure de diffuser une alerte sanitaire sur l’ensemble du territoire en moins d’une heure. » L’Ordre des pharmaciens entend cette année renforcer sa communication auprès des patients, comme avec les autorités.
« Nous sommes en train de développer un programme » vitrine » pour toutes les pharmacies : des panneaux digitaux seront installés dans les vitrines pour diffuser des messages numériques sur les campagnes de prévention organisées par les autorités sanitaires, mais aussi sur des sujets locaux. Ce dispositif sera expérimenté dans trois régions – l’Auvergne-Rhône-Alpes, l’Occitanie et l’Ile-de-France – pour s’assurer que tout fonctionne bien avant de le généraliser. » Des brochures éditées par le Comité d’éducation sanitaire continueront d’être distribuées gratuitement dans les pharmacies pour répondre aux questions des patients, et lutter contre la propagation de fausses nouvelles.
Pharmacovigilance : « les pharmaciens peuvent mieux faire »
En matière de pharmacovigilance, Carine Wolf-Thal confie que « les pharmaciens peuvent mieux faire » pour remonter les informations de terrain : « La plateforme publique pour recueillir les informations est encore mal connue.
Quelques développements informatiques sont nécessaires pour la rendre interopérable avec nos logiciels métiers, et faciliter ainsi son utilisation ». Les pharmaciens constituent également un rouage essentiel de la lutte contre les pénuries de médicaments, et l’Ordre des pharmaciens entend améliorer le partage d’informations sur ce point. « Notre plateforme DP-Ruptures permet de connaître de façon fiable et en temps réel l’état de la rupture chez tous les acteurs de la chaîne du médicament.
Deux tiers des officines en sont déjà équipées ainsi que les répartiteurs, et les laboratoires industriels qui s’y connectent actuellement. 80% des produits disponibles sur le marché y sont référencés », explique Carine Wolf-Thal.
Les médecins défendent la liberté de prescription
Pour les médecins, les enjeux d’une relation de confiance avec l’Etat passent d’abord par la liberté de prescription. Un pas a été fait en ce sens depuis l’autorisation – en vigueur depuis le 1er janvier – de prescrire des médicaments princeps non substituables par des génériques.
Certains praticiens aimeraient voir leur liberté de prescription réaffirmée par la puissance publique, en créant les conditions qui leur permettraient de prescrire des dosages sortant des recommandations inscrites sur les notices – ce qui est pratiqué à l’hôpital – mais que les médecins de ville n’osent souvent pas faire de peur d’éventuelles poursuites.
La crainte d’une juridiciarisation systématique des incidents liés à la prise de médicaments ou au suivi médical dissuade également les étudiants de s’orienter vers certaines disciplines médicales, comme la gynécologie obstétrique, qui manque de praticiens. Seul une politique volontariste de l’Etat peut refonder la confiance de ces professionnels de santé.