Les collectivités locales à l’heure du « big bang » fiscal
Les collectivités locales s'adaptent peu à peu à la disparition de la taxe d'habitation et au transfert de la taxe sur le foncier bâti aux communes. Pour Jean-Michel Arnaud, ces réformes fiscales doivent interroger l'exécutif sur le rôle dévolu aux collectivités dans l’architecture institutionnelle de la France.
Contrairement à une idée reçue, sans doute aussi alimentée par les collectivités, les finances locales sont au beau fixe. Les recettes et l’investissement progressent alors que les dépenses de fonctionnement restent contenues. Mais l’inquiétude et les interrogations demeurent, à la veille d’une réforme d’ampleur qui verra la disparition de la taxe d’habitation et le transfert de la taxe sur le foncier bâti aux communes.
Ce d’autant plus que l’Etat sera contraint à des arbitrages douloureux dans les années à venir s’il veut rester dans les clous de ses engagements européens. Le temps de la rigueur budgétaire est donc loin d’être terminé. Dans le même temps, il est capital pour les collectivités de ne pas freiner leur investissement, indispensable pour la modernisation des équipements publics, notamment en matière de mobilité, et soutien nécessaire à l’économie.
Offres de services et sources de financement
Les collectivités s’adaptent à cette nouvelle donne financière de diverses façons, en faisant évoluer leurs services ou en recherchant de nouvelles sources de financement. La tarification est un outil auquel elles ont de plus en plus recours, car celui-ci a l’avantage de permettre une augmentation des recettes et d’être aussi un instrument de politique publique. En modulant les tarifs en fonction de certains critères, comme le revenu, les collectivités peuvent poursuivre différents objectifs.
Il leur faut néanmoins veiller à ce que la tarification ne décourage pas les usagers, auquel cas cela constituerait non-seulement une remise en cause du service en lui-même, mais affecterait aussi le volume des recettes escomptées. Elle convient donc tout particulièrement aux collectivités dont la population atteint un certain niveau de richesse.
Mutualisation des équipements
D’autres pistes existent. La mutualisation de certains équipements ou de certaines commandes a aussi le vent en poupe. Certaines collectivités font même appel à des solutions plus originales, comme le crowdfunding ou le mécénat. Bien sûr, ces deux modes de financement sont particulièrement adaptés à certains projets à forte visibilité et ne peuvent représenter des sources de recettes continues.
Les collectivités essaient aussi d’optimiser leur offre de service. En jouant sur l’amplitude horaire ou l’organisation des équipes et des missions, il existe des moyens de réduire les coûts sans supprimer le service offert, mais là aussi se pose vite la question de la qualité. La dématérialisation est souvent vue comme une solution d’avenir, ce qu’elle est de bien des façons, mais elle suppose l’accès de toute la population aux outils numériques nécessaires et sa capacité à les maîtriser. Il faut là aussi agir avec prudence, car on sait que la disparition des points de contacts humains est un grief qui revient souvent dans la bouche des administrés. Il faut aussi noter que les collectivités ne sont pas totalement libres s’agissant de l’évolution de la masse salariale, puisque des aspects fondamentaux de la rémunération et du temps de travail sont fixés au niveau de l’Etat.
Démocratie locale
Ce manque de marge de manœuvre laissé aux collectivités est un problème bien plus large, comme vient l’illustrer la réforme actuelle. L’Etat s’est certes engagé à maintenir ses concours financiers dans les années qui viennent, mais la question des ressources ne se limite pas à celles des montants. Un impôt est un outil bien différent d’une simple dotation fixe, il permet aux collectivités d’avoir une politique fiscale autonome en agissant sur un certain nombre de paramètres : majorations, dégrèvements, exonérations, évolution des taux.
Il est le corollaire d’une véritable démocratie locale où la population peut décider de son niveau de service et faire les choix budgétaires qui vont avec. Or, depuis des décennies, le pouvoir fiscal des collectivités s’érode, alors même que les compétences qui leur sont confiées ne cessent d’augmenter.
Il est donc fondamental de s’interroger sur le rôle dévolu aux collectivités dans l’architecture institutionnelle de la France. Ne sont-elles que les exécutantes de politiques pilotées et financées par Paris, ou sont-elles des entités autonomes dotées de leurs propres compétences et de leurs propres moyens de financement ? La vision d’Emmanuel Macron, qui avait dans sa campagne défendu un nouveau pacte girondin, se fait attendre. Pour le moment, c’est la déconcentration plutôt que la décentralisation qui semble à l’ordre du jour. Sur le sujet, les collectivités locales ont certainement un avis bien tranché.