« La tarification est avant tout un outil politique »
La montée de l’intérêt des collectivités pour la tarification tient-elle à la nécessité de dégager de nouvelles ressources ?
On constate, en effet, depuis la fin des années 2000, que les recettes tarifaires augmentent plus vite que celles liées à la fiscalité. Les raisons sont multiples. D’abord, c’est vrai, les contraintes financières imposent aux collectivités de trouver de nouvelles ressources. Ensuite, le « ras-le-bol fiscal » constaté auprès de la population limite la capacité à augmenter les impôts. Enfin, et surtout, les tarifs bien pensés sont plus pertinents et plus justes que la fiscalité.
Que voulez-vous dire quand vous dites que la tarification est plus juste ?
En effet, les grilles tarifaires sont souvent adaptées au quotient familial, alors que la taxe d’habitation comme la taxe foncière s’appuient sur la valeur cadastrale du domicile, un critère plus éloigné de la réelle situation financière des citoyens. Depuis le début des années 2010, des collectivités comme Nantes ou Toulouse ont engagé leur réforme en faisant en sorte que la contribution soit plus conforme aux ressources des ménages. A Nantes, par exemple, le choix a consisté à définir un niveau de revenus au-dessous duquel les ménages ne sont pas pénalisés par les nouvelles grilles. Dans un souci de justice, les nouveaux modes de calcul prennent en compte le quotient familial, tout en supprimant les effets de seuils entre les différents tarifs. Les collectivités sont dans une logique de libre arbitre, elles ont la main.
Cela signifie donc que les choix tarifaires sont des choix politiques ?
Bien entendu, en sélectionnant, qui on ponctionne et comment, on fait des choix et cette liberté permet aux collectivités d’être créatives.
Ce sont des données financières qui cachent des choix sociétaux.
Il y a quelques années, la ville de Grenoble avait, par exemple, envisagé une tarification solidaire de stationnement, mais le juge administratif a estimé « qu’aucune nécessité d’intérêt général en rapport avec la réglementation du stationnement des véhicules le long des voies publiques ne [permettait] de justifier la fixation des tarifs de stationnement ”résidents” en fonction des ressources des familles ». Dans un souci d’équité, la plupart des collectivités choisissent, pourtant, de renforcer les tarifs sociaux et d’augmenter les tarifs pour les plus aisés. La montée en puissance de la tarification pose aussi la question de savoir si on va vers une société plus individualiste. On n’en est pas là, à mon avis. Les augmentations restant raisonnables, le coût des services comme les cantines, par exemple, demeurent encore pour une grande partie à la charge des contribuables locaux.
Ces nouvelles grilles tarifaires sont un vaste chantier pour les collectivités. Leurs effets se limitent-ils à des simpleschangements du prix de la cantine ?
Une telle réforme impose de mettre en place des outils de communication et de concertation, notamment avec les usagers, mais aussi de nouveaux outils de gestion comme le paiement en ligne par exemple. Il faut repenser l’organisation interne, réfléchir à la modification ou pas du niveau du service rendu… Quand ces projets sont pensés globalement, ce sont de véritables occasions de changements, des leviers politiques pour les élus. Bien pilotée, la réforme tarifaire peut être l’un des plus beaux projets de la mandature.
* Association finances-gestion-évaluation des collectivités territoriales