Les stratégies de maîtrise des dépenses de fonctionnement ont des limites
Les dépenses de fonctionnement des collectivités s’élèvent en 2018 à 172,3 milliards contre 171,9 milliards en 2017. Une augmentation modérée qui ne doit pas cacher la difficulté à tenir le cap.
Selon l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL) qui a rendu son rapport annuel en juillet 2019, les dépenses de fonctionnement se sont stabilisées en 2018. Après une augmentation, en 2017 de 2%, elles enregistrent une augmentation limitée à + 0,2%. Ce phénomène est dû à la baisse des subventions versées (- 0,1% en 2018 après + 1,8% en 2017) ainsi qu’à la maîtrise des frais de personnel (+ 0,9% en 2018 après + 2,9%).
Depuis quelques années, les gestionnaires locaux se sont attelés à définir des stratégies, notamment en matière de gestion de personnel, premier poste de dépense : non renouvellement des départs à la retraite, lutte contre l’absentéisme, diminution des heures supplémentaires, augmentation du temps de travail… Des telles politiques de rigueur sont tributaires d’éléments extérieurs à la gestion des collectivités. La Cour des comptes, dans son dernier rapport sur les finances locales 2018, avait mis en exergue le fait que les collectivités locales n’ont pas le contrôle total sur leurs dépenses de personnel. Néanmoins, les efforts de maîtrise des effectifs, quoique moins marqués en 2017, leur ont permis de freiner l’évolution de leur masse salariale, qui est passée d’un rythme annuel de croissance de 3% au cours de la période 2010-2013 à 2,4% au cours de la période 2013-2017. En 2018, confirme l’OFGL, la très faible augmentation des charges de personnel s’explique par l’absence de revalorisation du point d’indice de la fonction publique en 2018 et de la stabilité du taux de cotisations employeurs dues à la CNRACL (Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales).
Dans une moindre mesure, les achats et charges externes ont eux aussi contribué au ralentissement des dépenses (+ 1,0% en 2018, après + 2,1% en 2017). Les collectivités se sont engagées dans une professionnalisation de la fonction achat, grâce à des mutualisations ou des groupements de commande permettant de réduire les coûts unitaires, ou encore en constituant des centrales d’achat créées à leur initiative. Pour Stéphane Gorce, associé d’Eurogroup consulting, « l’utilisation de centrales d’achat, comme l’UGAP (Union des groupements d’achats publics) par exemple, qui permettent d’avoir accès au dialogue compétitif et donc de renforcer la négociation avec les fournisseurs, restent encore insuffisante ». Enfin, les charges financières continuent de diminuer fortement (- 6,8%), pour la troisième année consécutive. Une situation fortement influencée par les taux d’intérêt des emprunts bas. « Aujourd’hui, l’offre bancaire est historiquement basse, les taux permettant de réduire la charge des emprunts » confirme Pierre-Olivier Hofer, directeur associé du cabinet de finances locales Exfilo. Autre point d’impact, les transferts de compétences qui ont eu pour effet d’augmenter les dépenses des intercommunalités et régions en tête.
La croissance des dépenses de fonctionnement des intercommunalités « traduit, selon l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales, l’important mouvement de transferts de compétences ayant eu lieu, au cours de l’année 2017, des communes et des syndicats intercommunaux vers les groupements à fiscalité propre et dont les effets perdurent en 2018.
Les décisions de l’État ont impacté en 2017 à hauteur de 1,3 Md€ les charges de personnel.
Et d’illustrer notamment avec les frais de personnel qui progressent de + 4,5% pour les groupements à fiscalité propre et qui stagnent pour les communes (+ 0,0%). L’OFGPL confirme que, d’un niveau de collectivité à l’autre, ce mouvement de réduction des dépenses n’est pas uniforme : « les dépenses de fonctionnement des communes reculent (- 0,6%), mais celles de leurs groupements progressent (+ 2,1%) ; celles des départements reculent en 2018 encore plus qu’en 2017, et celles des régions augmentent à nouveau en 2018 (+ 3,4%), 2017 et 2018 étant des années marquées par les transferts de compétences « transports » de la part des départements et par une nouvelle montée en puissance de la gestion des fonds européens par les régions ». En 2019, selon la DGCL, « les collectivités locales continueraient de modérer leurs dépenses de fonctionnement : + 0,4% selon les budgets primitifs votés en début d’année 2019, après + 0,3% en 2018 ».
La contractualisation : l’atterrissage à moyen terme reste à écrire
Avec la loi de programmation de 2018-2020, l’Etat, a signé avec les 322 plus grandes collectivités un pacte financier visant notamment à maîtriser l’augmentation des dépenses de fonctionnement sur ces trois années. En contrepartie, l’Etat s’est engagé, pour les bons élèves, à ne pas réduire les dotations. Sur la base des dépenses de fonctionnement de 2017, la progression se limite à 1,2%, un pourcentage national qui fait l’objet de modulations en fonction des spécificités des collectivités. De la même façon, les dépenses de fonctionnement ont été réajustées et représentent 62% de l’ensemble des dépenses réelles de fonctionnement des collectivités. Sur les 222 collectivités qui ont signé l’été dernier leur contrat, seule une dizaine n’est pas dans les clous en 2018.