Les finances locales à la recherche de nouvelles marges de manœuvre
A la veille de l’adoption de la loi de finances pour 2020 actant la suppression de la taxe d’habitation, les collectivités affichent une situation financière saine. Mais le nerf de la guerre, la ressource, peut-il à terme être revu à la baisse ?
Les comptes administratifs 2018 des collectivités sont formels. Globalement, les indicateurs financiers sont au beau fixe : augmentation quasi-nulle des dépenses de fonctionnement et accroissement des recettes fiscales, augmentation des dépenses d’investissement largement compensées par des recettes élevées. Après quatre années de baisse (- 10 Md€), les concours financiers de l’État ont augmenté d’1 Md€.
L’enjeu porte sur l’amplitude de l’effort demandée par l’Etat.
Les collectivités enregistrent donc une augmentation de leur autofinancement. « Les collectivités locales dégagent une capacité de financement pour la quatrième année consécutive : le solde entre les recettes et dépenses avant opérations sur la dette s’élève à + 2,3 Md€ en 2018 », constate l’Observatoire des finances locales. Si on y ajoute la stabilisation de la dette sous l’effet d’un appel à l’emprunt moins important et d’un remboursement de dette plus élevé, la capacité de désendettement des collectivités locales s’améliore pour la troisième année consécutive. Et sans doute plus, car selon les premiers éléments des budgets primitifs de 2019, l’épargne brute (recettes de fonctionnement-dépenses de fonctionnement) pourrait augmenter de + 11,2% alors que le recours à l’emprunt augmenterait de 7%, le stock de dette restant stable.
Tours de vis dans la dentelle
Les collectivités ont engagé depuis des années des actions d’optimisation, en s’appuyant sur un discours d’austérité, sur tous leurs chapitres budgétaires : dépenses de personnel, de fournitures et de fluide, subventions aux collectivités, frais financiers, gestion du patrimoine… Les exemples d’innovation dans ce domaine de manquent pas. Certaines allant jusqu’à réduire les services au public. Mais ces approches ont leurs limites : la maîtrise de la masse salariale ne doit pas avoir pour effet un plus grand absentéisme. L’augmentation d‘une tarification ne doit pas avoir pour effet de réduire la fréquentation d’une cantine. L’optimisation des subventions aux associations ne doit pas provoquer la fragilisation de ces institutions…Autant d’exemples qui imposent aux gestionnaires locaux de dépasser le simple objectif financier. Du côté des recettes, là encore les élus et gestionnaires locaux ne sont pas en manque de pistes d’amélioration. Avec une enveloppe des concours financiers de l’État stable, ils recherchent leurs propres solutions. S’il n’est pas toujours facile d’augmenter la fiscalité, du moins les taux, les bases peuvent être optimisées ; de nouvelles recettes comme le mécénat ou le financement participatif sont développées. Enfin, la tarification des services publics est examinée à la loupe. Des exemples de solidarité financière entre collectivités se déclinent sur les territoires. Autant de leviers qui offrent de nouvelles opportunités.
Après 2020 ?
L’enjeu majeur porte sur l’amplitude de l’effort que l’Etat demande et demandera aux collectivités pour participer au respect des engagements européens en matière de réduction du déficit public et de dette publique. Déjà en 2018, les grandes collectivités ont dû contractualiser pour trois ans pour garder au même niveau leurs dotations venant de l’Etat. Le phénomène n’est pas nouveau : gel des dotations dans les années 2000, baisse de ces dotations en 2013, réformes successives de la fiscalité. A la veille de l’adoption de la loi de finances qui devrait acter de nouvelles dépenses de l’Etat en faveur des ménages (17 Mds €) et donc annoncer un déficit public plus lourd que prévu, l’Etat va-t-il se tourner vers les collectivités ? Après la maîtrise des recettes et de la dette, l’effort va-t-il se reporter sur le contrôle des investissements ? En espérant que les collectivités utiliseront leurs excédents pour financer leurs investissements, l’Etat fait-il un bon calcul ? Les experts sont formels : pour se projeter dans l’avenir, les collectivités doivent avoir confiance dans l’évolution de leurs ressources.
La réforme fiscale : une crainte pour l’avenir
Les collectivités s’interrogent sur leurs marges de manœuvre financière à l’avenir. Le transfert des compétences aux intercommunalités et aux régions leur impose le transfert de nouveaux personnels et de nouvelles charges. Comment se développer tout en restreignant ses dépenses ? Comment augmenter ses investissements sans augmenter ses dépenses de fonctionnement ? A la veille d’une nouvelle réforme de la fiscalité, quelles seront les compensations de la disparition de la taxe d’habitation ? Les ressources auront-elles capacité à évoluer ? Autant de questions qui imposent aux collectivités une gestion plus qu’exemplaire pour préparer leur avenir.