Les régions, grandes perdantes de la réforme de l’apprentissage
A compter du 1er janvier 2020, le système de l’apprentissage passe aux mains des branches professionnelles. Pour les régions, exit la taxe et le pouvoir de régulation. Pour les CFA, c’est l’impératif de rentabilité qui prévaut.
C’est sans conteste LE point de friction d’un texte qui fait dans l’ensemble plutôt consensus : la fin du pouvoir de régulation des régions en matière d’apprentissage. La loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel du 5 août 2018 signe en effet le basculement d’un système administré par l’État et les régions à un modèle géré par les entreprises au travers des branches professionnelles. Pour les régions, à compter de 2020, exit la fraction régionale (51%) de la taxe d’apprentissage ainsi que l›autorité administrative pour toute ouverture de CFA.
Jusqu’alors, pour chaque apprenti, l’entreprise était tenue de verser à son CFA une contribution (le Concours financier obligatoire, CFO) dont le montant était déterminé par la région. Désormais, les places en CFA sont financées “au contrat”, en fonction de la demande en termes d’emploi évaluée par les branches professionnelles.
Une approche libérale et rentabiliste
Après vingt-cinq ans de régionalisation, c’est donc une lecture nationale et libérale qui prévaut. « La logique centralisatrice et adéquationniste n’est pas pertinente. Si les régions n’avaient pas continué de former des jeunes aux métiers du BTP alors que le secteur entamait sa longue période de crise, jamais les entreprises n’auraient pu recruter quand le marché est soudainement reparti », soutient David Margueritte, président de la commission emploi, formation professionnelle et apprentissage de Régions de France et vice-président de la région Normandie en charge de la formation et de l’apprentissage.
La logique centralisatrice et adéquationniste n’est pas pertinente.
L’impératif de rentabilité pourrait en effet rapidement se traduire par la multiplication opportuniste de CFA dédiés aux métiers de services (moins coûteux) et par l’abandon de pas mal de structures dans le giron industriel. Dans sa propre évaluation publiée en avril 2018, Régions de France estimait à 700 le nombre de CFA menacés par la réforme, en l’occurrence tous les CFA de moins de 12 apprentis – cet effectif 12 étant considéré comme le seuil minimum de rentabilité.
Certes, les régions conservent leur rôle de péréquation territoriale – « quand des besoins d’aménagement du territoire et de développement économique qu’elles identifient le justifient », précise la loi. Mais, de l’avis commun, l’enveloppe budgétaire à disposition s’avère insuffisamment calibrée au regard des besoins.
Des PRIC pour l’accompagnement des chômeurs
Surtout, la mise en œuvre du Plan d’investissement des compétences (PIC) doté de 15 milliards d’euros apporte une bouffée d’oxygène pécuniaire aux régions. La moitié de l’enveloppe du PIC est en effet dévolue aux régions, au travers des Pactes régionaux pluriannuels (2019-2022) d’investissement dans les compétences (PRIC). « La facture pluriannuelle des PRIC permet de poser un diagnostic, de concevoir sur la durée des solutions innovantes pour répondre à des logiques de parcours », commente David Margueritte. « Pour la Normandie par exemple, le PRIC représente un budget supplémentaire de 337 millions d’euros, sur un budget global de 837 millions sur la période dédiée à l’accompagnement des demandeurs d’emploi », ajoute-t-il. En 2017, les conseils régionaux (hors Guyane) ont consacré 5,4 milliards d’euros à la formation professionnelle, à l’apprentissage et à l’accueil, l’information et l’orientation. Si elles perdent la main sur l’apprentissage, les régions voient leur rôle dans le domaine de l’orientation renforcé. L’État conserve la définition de la politique nationale de l’orientation, mais les régions sont désormais chargées de l’organisation des actions d’information sur les métiers et les formations.