Le nouveau visage des organismes de formation
La lisibilité et l’accessibilité de l’offre passe par une harmonisation des référentiels. En libéralisant et en simplifiant le statut des opérateurs, la loi “avenir” ouvre la voie à une lecture plus transversale de la formation.
A l’horizon 2021, les organismes de formation financés par des fonds publics ou mutualisés devront être certifiés sur la base d’un référentiel national unique. Toutes les actions de formation financées par un opérateur de compétences (Opco), une commission paritaire interprofessionnelle régionale, l’État, les régions, la Caisse des dépôts et consignations (CDC), Pôle emploi ou l’Agefiph sont concernées. L’objectif de la loi “avenir professionnel” du 5 septembre 2018 est clair : procéder à certains alignements pour harmoniser le paysage, renforcer la lisibilité de l’offre et poser des garanties sur le terrain de la qualité des prestations.
Combien d’organismes de formation pourraient entrer dans l’obligation de certification ? Déduction faite des structures ne recevant aucun financement public ou mutualisé, l’étude d’impact accompagnant le projet de loi estime que 48 000 entreprises sont concernées. Pour celles-ci, la bascule n’est pas indolore : une certification auprès d’un organisme accrédité par le Cofrac (comité français d’accréditation) tourne autour de 3 000 euros – le renouvellement de la certification étant également payant. C’est pour laisser aux différents acteurs concernés le temps de se retourner que l’entrée en vigueur de cette disposition est fixée à 2021.
La loi faisant entrer l’apprentissage dans le giron de la formation professionnelle, l’obligation de certification vaut également pour les CFA. Et, principe de symétrie oblige, la loi permet à l’ensemble des organismes de formation continue d’ouvrir des sections d’apprentissage. Bref, les frontières bougent et deviennent plus poreuses. « Parce qu’elle fait la part belle à la transversalité et qu’elle privilégie la finalité de l’action de formation aux moyens mis en œuvre, cette réforme ne peut qu’encourager les différents opérateurs à sortir des sentiers battus, à expérimenter des dispositifs, des approches, des formats, à mettre en place des nouvelles coopérations », soutient Gilles Pouligny, directeur général adjoint en charge de la formation professionnelle et des partenariats Groupe IGS.
La Fédération de la formation professionnelle (FFP) a d’ores et déjà fait savoir que son périmètre d’adhésion sera élargi à d’autres prestataires que les seuls organismes de formation. Pour sa part, l’Afpa (Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes), passée depuis le 1er janvier 2017 sous statut d’établissement public industriel et commercial (EPIC), est également en train de refondre son organisation dans une logique de transversalité de son action à l’échelle des territoires. « Nous ne sommes plus tant un organisme de formation qu’un accompagnateur transverse vers l’emploi », souligne Rémi Bordet, directeur des relations institutionnelles de l’Afpa.
Expérimenter des dispositifs et des nouvelles coopérations.
Avec 125 000 personnes formées en 2018, dont 75 000 demandeurs d’emploi et 50 000 salariés, l’Afpa, membre du service public de l’emploi, est un opérateur majeur de la formation professionnelle des publics peu ou pas qualifiés et le premier organisme de formation des personnes en situation de handicap. « Nos 130 agences ont vocation à devenir des tiers-lieux dédiés à la formation et à l’insertion professionnelles, où viendront coopérer l’ensemble des structures actives sur chaque territoire : entreprises, Opco, association locales, services d’aide à la personne… », poursuit Rémi Bordet.
Mais pour mieux répondre à la demande de compétences créée par la transformation des organisations (et notamment la demande croissante de compétences transverses), la profession doit accomplir sa propre transformation digitale. En 2016, selon le baromètre de la Cegos, 35% des salariés français ont bénéficié de modalités de formations en partie digitales, soit 10% de moins que la moyenne des Européens (Allemands, Britanniques, Espagnols, Italiens, Portugais). « La plus grosse révolution pour nos métiers est sans doute dans le learning management system, dans la promesse de nouvelles approches et méthodologies portées par le digital. Il y a là des trésors encore inexplorés d’innovation qui vont permettre de descendre très finement dans la granularité individuelle des contenus et des formats », souligne Gilles Pouligny. Au-delà de l‘impératif d’adaptation à la demande, le digital est d’ailleurs une nécessité économique pour un secteur où les marges des entreprises privées ont chuté de 50% depuis dix ans.
Un secteur divers et très atomisé
68 000 organismes. Si ce chiffre est régulièrement cité pour pointer la densité du marché de la formation professionnelle en France, il est trompeur. Dans les faits, la très grande majorité de ces 68 000 structures n’intervient que de façon marginale sur le champ de la formation, et près de 80% n’emploient pas de salariés. La nomenclature de l’Insee compte 8 500 organismes estampillés du code NAF 85 59A relatif à la formation continue pour adultes. Et parmi eux, seuls 3 000 réalisent plus de 750 000 euros de chiffre d’affaires (70% du marché). Le marché ne s’en caractérise pas moins par une grande disparité et une grande atomisation de ses acteurs, qui ont sans doute contribué à l’image de complexité, voire d’opacité des modèles transactionnels.