La formation professionnelle face aux grands défis de la nation
Emploi, cohésion sociale, compétitivité, attractivité… La formation professionnelle n’est pas seulement un sujet législatif. Elle doit aussi cimenter la construction d’une nouvelle économie de la connaissance dans un monde en pleine mutation.
Depuis le début des années 1970, quatorze lois ont façonné et réformé la formation professionnelle en France. Preuve sans doute de l’importance du sujet pour la puissance publique. Preuve aussi de la difficulté des pouvoirs successifs à laisser aux réformes lancées par leurs prédécesseurs le temps de s’installer. La formation, par essence, s’inscrit pourtant sur un temps long et, sur ce champ plus que sur d’autres, la fièvre législative n’est pas de bon aloi.
Depuis la loi du 16 juillet 1971 initiée par Jacques Delors, les différents gouvernements, en cherchant sans doute à perfectionner le modèle, ont stratifié les dispositifs et complexifié les circuits de fonctionnement du système. Le constat est là, qui fait consensus : la formation professionnelle en France est enkystée par une organisation trop lourde, des modalités d’utilisation trop rigides et un modèle de financement trop opaque. Il est régulièrement décrié dans le débat public pour son coût supposé trop élevé, le chiffre de 32 milliards d’euros - agrégat statistique mal compris -, étant régulièrement convoqué pour appuyer la critique.
1,5% du PIB
La formation professionnelle continue (FPC) et l’apprentissage alimentent un secteur économique important : environ 1,5% du PIB français. Et nul ne doute de son rôle essentiel en termes de performance économique et sociale : renforcement de l’autonomie des individus dans le marché de l’emploi, insertion sociale des publics fragilisés, amélioration de la compétitivité des entreprises, bien-être au travail.
Investir dans le potentiel économique de la population.
Même l’immense majorité des Français (93%) est convaincue de l’utilité de suivre au moins une formation au cours de sa vie professionnelle. Selon une enquête Harris Interactive réalisée du 26 au 30 avril 2019, la formation est perçue comme efficace sur de nombreux plans, en particulier pour acquérir de nouvelles compétences (92%) et évoluer professionnellement (89%). Mais, parallèlement, les études internationales pointent les retards de l’Hexagone en matière de formation professionnelle. Selon l’OCDE, 36% des actifs participent chaque année à une action de formation en France. C’est beaucoup moins que dans les pays scandinaves ou aux Pays-Bas où plus de 65% des actifs se forment tous les ans. C’est aussi significativement moins qu’en Allemagne (53%) et qu’au Royaume-Uni (56%). Ce faible taux d’accès à la formation des adultes n’est même pas compensé par un taux supérieur de diplômés de l’enseignement initial. La France se situe en effet dans la moyenne basse des pays en ce qui concerne le nombre de diplômés du secondaire. Il existe donc un véritable problème d’investissement dans le potentiel économique de la population.
Réduire les inégalités d’accès
On le sait, la formation tout au long de la vie constitue un enjeu clé pour nos économies. D’abord, parce que le vieillissement démographique laisse ouverte la possibilité de travailler jusqu’à un âge plus avancé. Ensuite, parce que le processus schumpétérien de destruction-création sous-tendu par l’innovation numérique transforme fortement les compétences requises sur le marché de l’emploi. Il s’agit donc de favoriser l’émergence d’une économie de la connaissance capable de préparer les individus aux défis de la mondialisation et de réduire les inégalités d’accès entre personnes qualifiées et non qualifiées. Or, en France, la formation professionnelle ne bénéficie ni aux actifs peu qualifiés ni aux seniors, les deux catégories pourtant les plus vulnérables face au chômage. Selon l’annexe au projet de loi de finance 2018 portant sur la formation professionnelle, le taux d’accès annuel à la formation des chômeurs, même en forte progression, n’était que de 15,3% en 2016. Soit deux fois moins que celui de la population active.
Face à ces enjeux majeurs, la loi du 5 septembre 2018 sur la « liberté de choisir son avenir professionnel » portée par Muriel Pénicaud, affiche de réelles ambitions : lever les freins et les discriminations persistantes d’accès à la formation, créer un espace d’émancipation qui permette à chacun de construire son parcours professionnel tout en bénéficiant de l’accompagnement des employeurs et d’un écosystème profondément réformé. Une réforme de plus, mais pas que… “Un big bang de la formation professionnelle”, selon la fameuse expression de la ministre du Travail.