« L’enjeu est la difficulté des jeunes parents, souvent isolés, à élever leurs enfants »
Interview de Docteur Véronique Leroy, médecin-chef de PMI au Département du Nord
En quoi consiste votre travail au service de protection maternelle et infantile (PMI) ?
Le service de PMI du département a une mission de santé publique qui implique le suivi médico-social des femmes enceintes, et des enfants de 0 à 6 ans afin de vérifier leur bon développement, et d’intervenir en cas de problèmes. Concrètement, cela prend la forme de consultations et de visites à domicile un peu partout dans le département de 2,5 millions d’habitants, en zones urbaines et rurales. Les consultations ont lieu dans des locaux départementaux ou à bord de nos deux bus itinérants, avec une centaine de médecins, une cinquantaine de sages-femmes, 300 infirmières mais aussi des conseillères conjugales et des psychologues par exemple. Il s’agit d’un service de santé publique, ouvert à tous, mais prioritairement au public plus vulnérable économiquement et socialement.
En quoi êtes-vous concernés par l’enjeu de l’exposition aux écrans ?
Dans le cadre de notre suivi préventif des enfants, nous travaillons beaucoup avec nos patients sur la parentalité, en abordant des aspects du quotidien comme l’alimentation, le sommeil, les jeux… autant de sujets liés aux écrans qui sont de plus en plus présents dans les quotidiens des familles. Or, lors de nos consultations, nous constatons fréquemment que des enfants ont des comportements montrant que leur développement a été parasité.
Redonner des règles élémentaires telles que : pas d’écrans pendant les repas.
Ils sont agités, ont du mal à canaliser leur énergie, ou encore à entrer en communication. Les professionnels de l’accueil de la petite enfance et les enseignants nous font remonter le même constat. Bien sûr ces comportements enfantins sont multifactoriels, mais les écrans jouent indéniablement un rôle. Trop d’exposition aux écrans prive les enfants d’interactions humaines avec leurs parents, à la base de leur développement. Ces cas de surexposition ont généralement lieu dans des familles où les parents sont eux-mêmes dépendants de leur téléphone.
Comment intervenez-vous face à ce phénomène ?
Nous rappelons aux parents le devoir d’être exemplaires dans leur propre rapport aux écrans, et nous redonnons quelques règles élémentaires telles que : pas d’écrans pendant les repas, juste avant de s’endormir ou d’aller à l’école ; pas d’écrans dans la chambre d’enfant. Il s’agit de choses simples destinées à les aider concrètement. Nous organisons également des ateliers et des animations proposant des moments ludiques avec les familles afin de leur montrer comment jouer avec son enfant, comment passer un bon moment avec lui. Des coopérations avec des écoles maternelles ou des crèches ont aussi lieu, ou encore des conférences débats dans les municipalités. Mais je pense que derrière la question des écrans, il est question d’un enjeu plus global : celui de la parentalité, et notamment de la difficulté des jeunes parents, souvent isolés, à élever leurs enfants. Il y a 50 ans, les générations plus âgées venaient les conseiller et les aider. Ce lien n’existe plus. Les parents sont isolés, or ils ont besoin de soutien.