La lente prise de conscience des risques liés au travail sur écran
71% des salariés utilisent du matériel informatique, selon la dernière étude sur le sujet (2013, DARES). Il s’agit non seulement des cadres, professions intellectuelles et professions intermédiaires, mais aussi des employés et ouvriers. Chez ces derniers, le taux d’équipement a d’ailleurs augmenté assez spectaculairement, passant de 26% en 2005 à 35% en 2013. Avec quel impact sanitaire ? Laurent Kerangueven, ergonome à l’INRS, en répertorie trois.
Le principal risque pour le corps est de rester trop longtemps statique.
Tout d’abord la fatigue visuelle. Maux de tête, lourdeur des globes oculaires, picotements, yeux secs : ces symptômes découlent « d’un temps trop long passé derrière l’écran, explique-t-il. Avec un risque accentué lorsque le poste est mal positionné par rapport aux différentes sources d’éclairage. En effet, un écran placé sous un luminaire ou devant une fenêtre peut créer des reflets, voire générer un éblouissement ». Deuxième risque : les troubles musculo-squelettiques, notamment du bas du dos jusqu’aux cervicales, ainsi que dans les bras et avant-bras. Des zones particulièrement sollicitées par le clavier et la souris. Mais le principal ennemi pour le corps est de rester trop longtemps statique. Face à cela, « permettre au salarié de faire des pauses quand il ressent le besoin, alterner temps d’écrans et autres tâches (réunion, travail sur papier, appels…) sont des parades efficaces », explique Laurent Kerangueven. Tout comme l’installation de postes de travail à hauteur variable pour alterner posture assise / position debout.
Stress, isolement, porosité vie professionnelle/vie privée
Une troisième catégorie regroupe les risques psychosociaux. Parmi eux, le stress, encouragé par la fragmentation des tâches (répondre à un mail, puis à un appel…) inhérente au travail sur écran, ou encore par la porosité entre sphère professionnelle et privée permise par les téléphones portables. « De plus en plus de salariés peinent à se détacher de leurs mails de travail, sacrifiant les temps de repos et de vie privée, souligne Stéphanie Harché, chargée de ces questions à la CFDT. Cela engendre du stress, particulièrement chez les cadres supérieurs ou dans les métiers de la communication. » Sans compter la surcharge informationnelle liée par exemple à la nécessité de maîtriser régulièrement de nouveaux logiciels, ou encore le danger d’un affaiblissement des relations de travail. Stéphanie Harché constate ainsi sur le terrain une souffrance, surtout chez les plus âgés : « Certains s’étonnent de recevoir un mail du collègue en face d’eux, sur des sujets qui se réglaient avant en se parlant. » Depuis 2001, les employeurs doivent réaliser une évaluation des risques sanitaires de leurs salariés. « Seuls 45% s’y plient », regrette Stéphanie Harché, et ils sont encore très peu nombreux à prendre en compte les risques liés aux écrans.
Télétravail : des risques accentués
Quand il est mal géré par l’employeur, le télétravail peut tout d’abord créer un isolement. En outre, chez lui, le travailleur ne dispose pas des aménagements ergonomiques conseillés : sur son écran portable, sa nuque est orientée vers le bas. Souvent dépourvu de souris, il sur-sollicite également sa main, accentuant les risques de troubles musculo-squelettiques.