Des collectivités locales pionnières passent à l’action
Carnet de santé stipulant que les écrans sont déconseillés avant 3 ans, interdiction des portables dans les écoles et les collèges… l’Etat se saisit progressivement du sujet des écrans. A ses côtés, certains territoires pionniers ne sont pas en reste.
Sous l’impulsion d’élus convaincus de l’urgence d’une action politique pour réguler l’usage des écrans, quelques collectivités se placent aux avant-postes dans ce domaine. Des mairies tout d’abord, comme à Toulouse où en juin dernier la direction de l’éducation a organisé une journée d’information sur l’usage du numérique des 0-12 ans. Un manuel explicatif destiné aux parents et professionnels de l’éducation a également été publié par le service communal d’hygiène et de santé publique. Certaines petites villes se mobilisent aussi, comme Cluses en Auvergne, où une semaine de « prévention aux écrans » proposant des rencontres, conférences et ateliers a été organisée par la mairie. Autre exemple, à Angers, l’élue chargée de la famille, Caroline Fel, s’est saisie du sujet à bras le corps (voir p. 29), soutenue par un maire sensible à ces enjeux. « Angers porte un axe de développement économique fortement axé sur le numérique (“ville de l’objet connecté”, ”territoire intelligent”…), développe-t-elle. Je considère qu’à ce volet économique doit correspondre un volet social protégeant les enfants des excès des écrans et aidant les parents. » Pour cela, « pas question de faire de l’injonction éducative, mais plutôt de redonner confiance et d’informer ».
Le département, échelon des politiques sociales et familiales
Cette action municipale a d’autant plus d’impact lorsqu’elle est conduite en lien avec le département, échelon par excellence en charge des questions sociales et du soutien à la parentalité. C’est le cas par exemple en Vendée, où depuis 3 ans le département impulse le défi « 10 jours sans écran » dans 25 collèges (lire p 32).
Il y a besoin de l’intervention du politique sur ce sujet.
Dans la région Ile-de-France, les Hauts-de-Seine ont opté pour l’envoi de médiateurs dans les collèges. Leur voisin, la Seine-Saint-Denis, axe plutôt son action sur la prévention dès le plus jeune âge, en relayant par exemple la méthode d’éducation aux écrans 3-6-9-12 du pédopsychiatre Serge Tisseron (lire p. 16-17). C’est aussi l’axe choisi par le département du Nord, notamment via ses services de protection maternelle et infantile (PMI) qui mènent des ateliers de prévention sur l’excès d’écrans chez les tous-petits auprès des parents, à Roubaix par exemple.
Une mobilisation encore embryonnaire
Ces actions menées par quelques rares territoires et élus sensibilisés sont largement insuffisantes, regrettent pourtant plusieurs associations, telles que le groupement Lève les yeux. Son fondateur Yves Marry s’emploie à fédérer les acteurs travaillant sur le sujet, avec l’ambition d’entreprendre un lobbying auprès des politiques, et notamment des élus locaux. « Nous avons besoin de l’intervention du politique, la responsabilisation individuelle ne suffit pas », affirme-t-il, préconisant par exemple l’interdiction des écrans publicitaires dans l’espace public. Des propositions que le collectif exposera à dessein aux candidats aux élections municipales en février 2020 lors des Assises de l’attention.
Et l’Europe ?
« Plus largement, l’enjeu est la régulation du marché de l’attention, et du design utilisé par les plateformes numériques », poursuit-il. La régulation des normes du design numérique, avec l’objectif de rendre ce dernier moins addictogène, est en effet une piste de régulation. Néanmoins cela nécessiterait une intervention non plus locale, mais à l’échelle européenne, afin de peser sur les plateformes. Peut-être la prochaine étape après le règlement européen sur la protection des données ?