« Le fléau du sans-abrisme risque de continuer à croître »
Que pensez-vous du plan pauvreté ?
Le plan pauvreté a apporté quelques avancées : une enveloppe de 1 million d’euros supplémentaires a été allouée aux collectivités territoriales pour résorber les bidonvilles, et une attention a été portée à la question des maraudes. Mais le logement n’est pas du tout intégré structurellement au plan pauvreté, alors qu’il est déterminant pour le quotidien de nos concitoyens. Quatre millions de personnes sont mal logées en France, et 12 millions sont fragilisées par rapport au logement. Le fait que le logement ne soit pas au cœur du plan pauvreté nous préoccupe. D’autant qu’il est question d’intégrer les APL (aides personnalisées au logement) au revenu universel d’activité (RUA) que le gouvernement a mis en chantier. Ce dernier concerne une partie des minima sociaux, mais les APL ne renvoient pas à des minima sociaux. En outre, le RUA parle d’activité, or les bénéficiaires des APL peuvent être des étudiants, des retraités. Il faut faire attention car il s’agit d’un droit ouvert qui concerne 13 millions de personnes. Il reste des zones d’ombre, mais la concertation est lancée et nous espérons obtenir des éclaircissements rapides.
Pourquoi le logement ne fait-il pas partie du plan pauvreté ?
Le gouvernement nous répond qu’il y a eu le plan quinquennal pour le Logement d’abord. Un plan qui est positif dans ses intentions politiques et que nous avons soutenu et même proposé ; le fait qu’il se décline dans certains territoires via un appel à manifestation d’intérêt pour le mettre en œuvre est également plutôt intéressant. Mais les avancées concrètes pour les personnes restent à ce stade limitées quantitativement.
Ne faut-il pas attendre la fin du quinquennat…
Même à la fin du quinquennat, si on continue sur cette dynamique, il est probable que nous n’arrivions pas à initier le changement d’échelle que nous appelons de nos vœux. Ce changement d’échelle est rendu extrêmement difficile, notamment parce qu’il y a eu des coupes très importantes sur le logement social et sur les APL.
Ces coupes représentent près de 4 Md€ de manque à gagner.
Ces coupes représentent près de 4 milliards d’euros de manque à gagner dès 2020, en rythme de croisière annuelle. La politique du Logement d’abord pourrait être le pendant du plan pauvreté dans le domaine du logement des plus défavorisés. Mais ces économies freinent considérablement ce changement d’échelle et l’empêchent de passer à la vitesse supérieure. En 2022, le plan Logement d’abord aura sans doute permis quelques avancées, mais structurellement, on n’aura pas changé la donne si on continue dans cette direction.
Votre avis sur l’objectif du zéro SDF ?
On n’y est pas du tout ! Le nombre de personnes sans domicile a augmenté de 50% en dix ans, et je crains que ce fléau ne continue à croître. Il y a eu des efforts, comme le budget supplémentaire dans l’hébergement d’urgence. Mais la difficulté à faire monter en puissance le Logement d’abord et les réponses durables et dignes pour les personnes en difficulté de logement rend cette annonce caduque.
Faudrait-il une politique du logement plus ambitieuse ?
Il y a énormément à faire, pour produire plus, mieux, là où on en a besoin, et faire baisser les prix de l’immobilier, des loyers, des charges (notamment via la rénovation thermique des logements). Sans oublier un phénomène contre lequel il faut lutter : celui de la ségrégation territoriale et de la concentration des plus fragiles dans les mêmes quartiers, avec toutes les difficultés que cela pose. Pour le logement, il y a beaucoup mieux à faire que simplement un outil ou un levier de baisse de la dépense budgétaire.