Pourquoi les maires doivent rester la priorité d’Emmanuel Macron dans sa « révolution » territoriale
Le gouvernement a tout intérêt, comme il le fait, à engager une réflexion sur le statut du maire, ses fonctions et sa rémunération.
Emmanuel Macron a placé cette rentrée sous le signe du dialogue et de l’ouverture. Le Président veut retisser les liens avec les Français, malmenés par deux ans de présidence jupitérienne et de réformes menées au pas de charge. Il cajole désormais les élus locaux, ayant bien compris qu’il est impossible de vouloir gouverner contre ou sans eux. Il semble vouloir profiter de son « deuxième acte » pour mettre en œuvre la promesse faite lors de son accession au pouvoir d’un nouvel élan de décentralisation. Mais en la matière, le flou règne et la facilité s’arrête aux déclarations de bonnes intentions.
La crise des Gilets Jaunes a été pour le Président l’occasion, sinon de découvrir, de mesurer l’ampleur du malaise qui touche la France « des territoires ». Pour y remédier, il s’est habilement appuyé sur la figure encore relativement consensuelle du maire, en particulier celle des maires de petites villes. C’est à eux que les premières doléances ont été adressées et avec eux qu’Emmanuel Macron a longuement échangé lors du Grand Débat. Cela sonnait comme une évidence tant les maires, en contact quotidien avec leurs administrés, restent ceux qui connaissent le mieux l’état du corps social.
Dans le même temps, le tragique décès du maire de Signes dans l’exercice de ses fonctions est venu souligner les difficultés que rencontrent les maires au quotidien : sentiment de perte de respect et d’autorité, mais aussi manque de moyens et de reconnaissance. La montée en puissance des intercommunalités a conduit à une perte de compétences tandis que celles qui leur restaient se sont complexifiées. Si bien qu’une crise des vocations inédite est à prévoir pour l’élection municipale du printemps 2020.
Le gouvernement a donc tout intérêt, comme il le fait, à engager une réflexion sur le statut du maire, ses fonctions et sa rémunération. Mais le couple commune-département, malgré son poids politique et symbolique indéniable, est malheureusement de moins en moins adapté aux enjeux d’une France mondiale, fortement intégrée à l’ensemble européen. Il ne correspond plus à la réalité économique et sociale du territoire. L’orientation suivie par tous les gouvernements depuis quarante ans est plutôt de développer le triptyque intercommunalités-métropoles-régions, qui s’avère beaucoup plus adapté aux enjeux actuels de l’aménagement du territoire et de la décision publique. Toutefois les anciennes structures persistent et on peut le comprendre. A l’aspect émotionnel certain s’ajoute le risque d’un éloignement du pouvoir.
Néanmoins, revenir sur cette évolution territoriale encore inachevée et maintenir en l’état le « mille-feuille » serait une aberration. On assiste pour le moment à une superposition incompréhensible, coûteuse et inefficace. Rien qu’en Ile-de-France, outre Paris enserré dans son périphérique, on compte plus de 1200 communes, douze territoires, sept départements, une métropole et une région.
L’échelon départemental a sans doute vécu. Pensé à une époque où la vitesse des moyens de transports et de communication étaient tout autre, le département peine aujourd’hui à démontrer son utilité. Les compétences qu’ils exercent sont fondamentales, notamment en matière sociale, mais celles-ci peuvent parfaitement être transférées à un autre niveau de responsabilité. L’intercommunalité et les regroupements de commune ont le vent en poupe, comme en témoigne la création régulière d’entités nouvelles. Ils répondent à une nécessité financière et logistique indéniable : transports scolaires, gestion des déchets, offre culturelle, etc.
Malgré tout ces nouvelles structures doivent gagner en lisibilité démocratique et trouver la bonne articulation avec les maires. En effet, les petites communes et leurs maires ne sont pas voués à disparaître. Lieux-dits, quartiers et hameaux continuent d’habiter notre mémoire collective alors même que le pouvoir politique est exercé à un niveau supérieur. Les « petits » maires auront toujours un rôle essentiel à jouer en tant que relais de la décision publique et courroies de transmission, en tant qu’organisateurs d’une vie locale tournée vers une fonction délibérative et consultative. Il n’y a pas de fatalité à ce que la restructuration des territoires se fasse au détriment des libertés locales, de la démocratie et de l’engagement. C’est à ça que le gouvernement doit veiller.
Compte tenu de l’état de l’opinion et des résistances politiques, le moment n’est peut-être pas venu de faire cette « révolution ». Il ne faut pas pour autant oublier qu’elle est indispensable, et que les aménagements temporairement nécessaires ne doivent pas rendre son avènement encore plus incertain.