Mal-logement : les causes d’une situation qui s’enracine en France
En 2019, plus d’un Français sur six est concerné par le mal-logement. Le coût de l’habitat, que ce soit pour louer, acheter ou tout simplement vivre, ne cesse d’augmenter. Le budget des ménages ne peut plus l’absorber.
Le 5 novembre 2018, trois immeubles se sont effondrés en plein centre-ville de Marseille. Cet événement tragique a souligné l’insuffisance des pouvoirs publics en matière de lutte contre l’habitat indigne. Autour d’un noyau dur de 4 millions de personnes sans domicile, très mal logées ou logées chez des tiers, gravite un halo de plus de 12 millions de Français fragilisés par des difficultés de logement, avec à la clé autant de situations humaines délicates.
Les dépenses liées au logement atteignent 61% du budget des ménages pauvres.
Depuis 20 ans, les loyers et les charges se sont envolés, augmentant en moyenne chaque année de 0,5% plus vite que l’inflation, selon l’Insee. En parallèle, la crise de 2008 a laissé des traces. Depuis, les salaires des classes moyennes ont tendance à stagner et la pauvreté qui concerne aujourd’hui 14% de la population s’est aggravée. Entre 2006 et 2016, elle a touché 820 000 personnes supplémentaires, essentiellement les jeunes, les familles monoparentales, les chômeurs et les travailleurs pauvres. Aujourd’hui, trouver à se loger crée de fait une ségrégation des habitats en fonction des revenus. Et les files d’attente pour un accès à un toit s’allongent.
Un accès difficile au logement
Près de deux millions de personnes attendent un logement social. Un chiffre en hausse faute d’un parc HLM suffisant, et d’un parcours résidentiel grippé par un marché privé aux loyers devenus prohibitifs. Et l’accession à la propriété pour ces personnes n’est pas supportable financièrement, alors que les taux des crédits immobiliers n’ont jamais été aussi bas en France (1,29% en mai 2019, selon l’Observatoire Crédit Logement/CSA). En un peu moins de 20 ans, les prix des logements anciens ont été multipliés par 2,3 (2,6 en Île-de-France), et ceux du neuf par 2,1. Une hausse qui pèse sur le taux d’effort de ces candidats à l’achat immobilier et qui réduit, de fait, leurs chances de devenir propriétaires. En particulier pour les jeunes. Par ailleurs, selon l’enquête Patrimoine de l’Insee de 2017-2018, si encore une peu plus d’un Français sur deux est un propriétaire occupant, cette part recule depuis 2015 pour retrouver son niveau de 2009.
À peine 400 euros de reste à vivre
L’écart croissant entre le montant du loyer et le revenu est « la manifestation la plus nette de la détérioration du logement », expliquent les auteurs d’un rapport publié en juin 2018 par l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale (Onpes). Une facette du mal-logement qui demeurait jusque-là peu visible. Et qui pèse lourd. D’abord, pour le reste à vivre : autour de 400 euros pour une personne qui touche 1 050 euros par mois. L’ensemble des dépenses liées au logement atteint 61% du budget des ménages pauvres, et 39% de celui des foyers modestes. Ce sont les factures d’énergie qui progressent le plus : entre octobre 2017 et octobre 2018, le fioul domestique a bondi de 30,4% et le gaz de 21%. Résultat : 12 millions de personnes sont désormais en situation de précarité énergétique et près de 7,4 millions de logements sont des « passoires énergétiques » – mal isolées et inchauffables à un coût abordable.
Le surpeuplement en constante augmentation
Le mal-logement renvoie aussi au problème de surpeuplement qui touche près de 9 millions d’individus. Les personnes à faible revenu, les jeunes et les familles franciliennes sont les plus impactés. Ce phénomène en constante augmentation est aussi alimenté par les ruptures familiales. Les parents isolés sont ainsi trois fois plus touchés que les couples par ce manque d’espace chronique. Avec pour tous des conséquences désastreuses au quotidien. Le manque d’intimité est synonyme de tensions, de stress, de pathologies respiratoires et cutanées, difficultés scolaires… Toutes ces conséquences montrent que le fléau du mal logement n’est pas qu’un problème de logement. La volonté politique est là. Reste à la mettre en application.