QUESTIONS À… Denis Delbaere, professeur à l’Ecole nationale supérieure d’architecture et de paysage (Ensap) de Lille
Qu’apporte le paysage dans la reconquête de l’espace public ?
Le paysage est la dimension perceptible de l’environnement. Les politiques environnementales actuelles ont du mal à aboutir, car elles sont trop technocratiques : les objectifs sont décorrélés de la dimension spatiale du territoire. Elles poussent à l’uniformisation, alors que la grande variété de nos paysages est une richesse, y compris touristique.
Comment mettre en œuvre une politique du paysage ?
Pour préserver l’identité de leur territoire, les élus doivent travailler avec des paysagistes concepteurs (titre reconnu par la loi sur la biodiversité de 2016). Nous créons le paysage en questionnant les habitants et les traces d’usage : un chemin de terre créé par les passants au milieu d’une pelouse ou un trou dans un grillage. Le rôle des élus est de soutenir les projets définis et co-construits par les citoyens. Le budget est dérisoire quand on remplace les pelleteuses par l’humain.
Quels sont les exemples de bonnes pratiques ?
Depuis 1994, le bassin carrier de la Marquise, dans le Pas-de-Calais, est réalisé en concertation entre les élus et la société civile. De tels projets restent rares en France. En Allemagne, aux Pays-Bas et à Detroit, il est courant que l’action publique apporte un soutien financier – modeste mais suffisant – pour aider les associations de quartier à réaliser leur projet paysager. Un autre enjeu est de réussir à territorialiser les grands paysages. A Lille, une coulée verte de 650 km a ainsi été aménagée le long des grandes voies de transport, pour faire émerger l’espace public entre ville et infrastructures.