« Un hyperlieu mobile est créateur d’espace public »
Les hyperlieux mobiles peuvent-ils participer à la réinvention de l’espace public ?
L’essor du numérique et la révolution annoncée du véhicule autonome transforment notre manière de bouger et de penser le temps et l’espace. De nombreuses activités peuvent désormais s’affranchir d’un lieu fixe, et desservir un large territoire sans pour autant dégrader la qualité du service offert. Elles peuvent même offrir une plus-value supplémentaire, parce qu’elles s’approchent au plus près des populations concernées et peuvent, par agrégation, contribuer à créer de nouveaux espaces publics. L’activité mobile traditionnelle, augmentée par la connectivité et les technologies (par exemple les imprimantes 3D, la robotique, etc.), peut contribuer à créer des hyperlieux mobiles créateurs d’espace public dès lors que l’activité qu’ils proposent dépassent leur propre fonction, attirent autour d’eux d’autres activités et provoquent des échanges sociaux variés.
Comment sont utilisés les services mobiles dans le monde aujourd’hui ?
Chaque pays imagine des services mobiles qui répondent aux besoins de sa population et aux contraintes du territoire (géographiques et budgétaires). Par exemple, en Amérique Latine, en Inde et aux Etats-Unis, des camions-écoles amènent une éducation nomade dans les territoires à faible densité de population et à fortes inégalités sociales. L’Uruguay a fondé une école d’architecture sur roues, pour permettre aux étudiants de se former par l’observation sur le terrain en faisant le tour du monde avec leurs professeurs. En Louisiane, des villes inondables construisent des bâtiments surélevés sur pilotis, sous lesquels demain pourraient s’installer des services mobiles évacuables en cas de crue. Au Kenya, le réseau de bus de Nairobi attire les clients non seulement pour le transport, mais aussi pour les expériences qu’il propose dans les véhicules : accès au Wifi, exposition d’art ou encore diffusion de clips musicaux. Au Chili et en Colombie, des centres des impôts mobiles disposant d’une connexion Wifi sillonnent le territoire pour répondre aux questions et aider les habitants à faire leurs démarches. Cette administration publique augmentée offre un service de proximité encore plus efficace.
Pourquoi prônez-vous l’expérimentation d’hyperlieux mobiles en France ?
Nombre d’activités recensées dans notre pays sont des initiatives privées. Les autorités locales hésitent souvent à autoriser l’installation de ces dispositifs en raison des conflits d’usages de l’espace public : par exemple, les commerçants pestent contre les food-trucks qui leur font concurrence sans être soumis à une taxation locale. Parfois, le millefeuille réglementaire freine aussi l’expérimentation. Les activités mobiles sont soumises à diverses réglementations, celles liées à l’occupation de l’espace public, celles qui concernent le véhicule lui-même (code de la route, normes d’accessibilité, normes sanitaires, etc.) et enfin celles de la pratique de l’activité elle-même. Ainsi, un praticien diplômé qui veut monter un cabinet itinérant pour consulter dans les déserts médicaux ne peut pas le faire : la loi considère qu’il s’agit de médecine foraine, strictement interdite. La solution qui se déploie dans plusieurs zones rurales françaises est de rattacher ces cabinets mobiles à une « base arrière » fixe : hôpital, centre de soins, etc. Les hyperlieux mobiles peuvent être un outil de revitalisation de territoires en déficit d’urbanité, d’équipements, de proximité.