Reverdir les communs pour redorer la vie en ville
Développer les espaces verts en ville vise autant à améliorer la qualité de vie des citadins qu’à relever le défi de la transition écologique et à préserver la biodiversité.
Les villes rivalisent d’imagination pour reverdir leurs territoires. Les grandes métropoles à forte densité comme Paris accordent des permis de végétaliser aux citoyens volontaires pour jardiner au pied d’un arbre ou sur un potelet de trottoir. Dans les villes de toutes tailles, les pelouses fleurissent au bord des rues et des lignes de tramway. Quand les contraintes foncières (prix au m2, surfaces disponibles) le permettent, des jardins partagés et des parcs sont créés, avec des jachères propices à la préservation des insectes et des oiseaux. De même, les toits et façades végétalisés leur offrent des refuges, et permettent de lutter contre les îlots de chaleur urbains. Une expérimentation à Nantes en juillet 2010 a montré que deux façades végétalisées pouvaient réduire jusqu’à 3°C la température ressentie dans une rue, et qu’une rangée centrale d’arbres pouvait l’abaisser de 10°C. Ces arbres dépolluent l’air aux abords des voies de circulation : c’est pourquoi ils bordent 80% de la voirie à Créteil (Val-de-Marne). Avec 2 024 hectares de forêt communale (soit 30% de son territoire) et 2 560 hectares d’espaces verts, Besançon (Doubs) dispose de 211 m2 végétalisés par habitant, ce qui fait d’elle une des grandes villes les plus vertes de France. Mais si elle a reçu à l’automne dernier le titre de Capitale de la biodiversité 2018 dans le cadre du concours éponyme, c’est surtout pour sa politique de gestion environnementale.
Un retour aux « valeurs paysannes »
La ville a banni l’usage des phytosanitaires en 2017 et pratique la gestion différenciée des espaces verts (les fauches sont planifiées selon les besoins d’usage). « Cela se traduit par un bénéfice net pour l’environnement, la santé des jardiniers et pour le budget de la ville », explique Anne Vignot, maire-adjointe de Besançon (EELV) au Développement durable. Les jardiniers municipaux ont reçu une formation en biologie pour suivre les populations d’insectes. La ville emploie également 8 bûcherons et un berger : outre ses ruchers et sa ferme pédagogique, elle a en effet acquis un troupeau de chèvres et de moutons de plus de 100 têtes pour entretenir les espaces semi-naturels. Olivier Bories, enseignant-chercheur à l’ENSFEA (École nationale supérieure de formation de l’enseignement agricole), constate que « des troupeaux citadins apparaissent aussi en Seine-Saint-Denis. L’agriculture urbaine est en plein essor, mais elle ne rendra pas les villes autonomes au niveau alimentaire. L’enjeu est de se réapproprier le paysage urbain en le pratiquant, de rencontrer et d’échanger avec ses voisins, et de renouer avec les valeurs paysannes : la solidarité, le collectif et le partage ». La plus grande ferme en toiture du monde, qui s’installera sur 14 000 m2 au sommet du futur hall 6 du parc des expositions de la Porte de Versailles à Paris, ambitionne néanmoins d’alimenter en fruits et légumes les restaurants du site et les habitants du sud de la capitale et des communes limitrophes dès 2020.
Les habitants se mobilisent pour leur environnement
En 2018, quand la ville de Besançon préparait le nouveau document d’aménagement forestier (renouvelé tous les 20 ans), Anne Vignot a décidé d’y associer les habitants usagers de la forêt (riverains, chasseurs, promeneurs, écologistes, sylviculteurs, etc.) via des débats publics et une plateforme numérique.
L’agriculture urbaine est en plein essor.
La création d’un « conseil de la forêt » consultatif ouvert à tous permettra de pérenniser ces échanges. Quant aux propositions issues de cette expérimentation, elles ont été synthétisées dans le document final remis à l’Office national des forêts. « C’est une première en France », se réjouit Anne Vignot. De même, les habitants de Montreuil (Seine-Saint-Denis) mobilisés pour sauver les « Murs à pêches » menacés par des projets de constructions ont été entendus par la mairie : le site historiquement dédié au maraîchage accueille les badauds et les événements organisés par les associations locales. Montreuil entend également créer une coulée verte dédiée aux mobilités douces qui la traversera d’est en ouest.
Ne pas oublier les « espaces bleus »
Les espaces maritimes et aquatiques ont aussi leur place en ville. Saint-Rémy-en-Comté (Haute-Saône) a créé un réseau de mares pour convoyer les eaux pluviales du bourg à la vallée en aval. A Toulouse (Haute-Garonne), des cultures maraîchères limitent les risques d’inondation en zones humides. La commune côtière de Morne-à-L’eau, qui constitue un hub routier majeur en Guadeloupe avec un trafic de 30 000 véhicules par jour, a investi dans plusieurs recherches universitaires pour redensifier la mangrove dégradée dans cette zone de réserve de biosphère, qui est reconnue à l’international par la Convention de Ramsar. Après six ans de travaux, elle vient de renaturaliser la plage de Babin avec l’aide du fonds européen Feder, du département et du Conservatoire du littoral.
Le PLU, principal outil de végétalisation urbaine
À Montreuil le Plan local d’urbanisme (PLU) fixe des seuils minimaux d’espaces verts en fonction des constructions, complété par une Charte communale de la construction durable. À Morne-à-L’eau, le PLU dédie 80% du territoire de la commune aux espaces naturels et agricoles et prévoit un écoquartier, qui sera le premier en Guadeloupe. D’autres outils existent, comme les arrêtés préfectoraux pour la protection du biotope et les labels (Natura 2000, espace boisé classé, etc.). Ces projets sont coûteux : Montreuil investit ainsi « 300 000 euros en 2019 pour effectuer des plantations d’arbres ». Pour sécuriser ses actions pour la biodiversité, la métropole Rouen Normandie a ainsi établi dès 2016 un plan de financement quadriannuel.