Quelles frontières pour l’espace public numérique ?
Le numérique améliore la proximité des services publics et facilite leur accès. Mais cette agora virtuelle pose des défis de sécurité pour les citoyens et l’Etat.
Le programme Tech.gouv doit accélérer la transformation numérique de l’Etat et offrir des services publics en ligne de qualité. L’espace public numérique doit faire gagner du temps aux usagers comme aux agents, assurer la sécurité des données collectées et simplifier les démarches en ligne. Connectées entre elles, les administrations pourront échanger leurs informations respectives, et les justificatifs à fournir n’auront plus lieu d’être. Des designers accompagneront les collectivités dans leurs projets de site internet afin d’offrir aux citoyens une « expérience utilisateur » accessible à tous : l’illectronisme (incapacité à utiliser les outils digitaux) touche en effet un Français sur cinq. Une identification unique pour les services publics en ligne est également prévue.
Les agresseurs en ligne ne se soucient pas d’être anonymes
L’espace public numérique soulève un autre enjeu : garantir la sécurité des citoyens qui s’expriment sur Internet. En septembre, la députée LREM de Paris Laetitia Avia, l’auteur Karim Amellal et le vice-président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) Gil Taïeb ont remis au Premier ministre un rapport pour « renforcer la lutte contre le racisme et l’antisémitisme sur Internet ».
Garantir la sécurité des citoyens qui s’expriment sur Internet.
Celui-ci a nourri le débat sociétal sur les mesures à prendre pour endiguer la recrudescence de propos haineux – voire de harcèlements – sur les réseaux sociaux : dans un sondage en 2016, 70% des Français déclaraient y avoir déjà été confrontés. Déjà émise par le sénateur UMP Jean-Louis Masson en 2010, l’idée de lever l’anonymat sur Internet proposée en février par le député LR des Alpes-Maritimes Eric Ciotti a été écartée : l’anonymat en ligne n’existe pas pour la justice qui peut identifier des internautes via leur adresse IP. En plus, selon la sociologue suisse Lea Stahel, les trolls (harceleurs en ligne) ne tiennent pas à l’anonymat, car être démasqué accroît leur notoriété. En revanche, le pseudonymat garantit la liberté d’expression des citoyens sur les sujets de religion, de sexualité, de politique ou encore de santé, qui constituent des données sensibles au regard du Règlement européen de protection des données (RGPD).
Supprimer les contenus haineux sous 24 heures
La proposition de loi visant à lutter contre la haine sur Internet, déposée en mars et actuellement en débat, veut contraindre les réseaux sociaux, ces « accélérateurs de contenus », à supprimer les contenus haineux dans les 24 heures comme l’impose déjà la loi NetzDG de 2017 en Allemagne, ce qui constituerait un socle réglementaire au niveau européen. L’amende encourue par les contrevenants pourrait atteindre 4% de leur chiffre d’affaires mondial. La loi prévoit par ailleurs de simplifier les procédures, d’imposer la présence d’un bouton de signalement identique sur toutes les plateformes et de contraindre les réseaux sociaux à mieux informer les utilisateurs. Un rapport dévoilé le 10 mai lors d’une rencontre entre Emmanuel Macron et Mark Zuckerberg, PDG de Facebook, préconise de contraindre les plateformes à modérer les contenus qu’elles diffusent avec « une obligation de moyens » contrôlée par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). En attendant le vote du texte, comme le rappelle l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi) dans ses 10 règles de base, « Internet est une rue peuplée d’inconnus. Il faut rester vigilant ! »