Haro sur les déchets plastiques
Les chiffres de l’étude Production, utilisation et destin des plastiques, publiée en 2017 dans la revue Science advances, donnent le vertige : « De 1 million de tonnes en 1950, la production mondiale de plastique a atteint 380 millions de tonnes en 2015. Au total, en 65 ans, ce sont 8,3 milliards de tonnes de matières plastiques qui ont été générés. Sur ce nombre, 6,3 milliards de tonnes sont, dès à présent, devenus des déchets, dont seuls 9% ont été recyclés, 12% incinérés et 79% accumulés dans des décharges ou la nature. » Y compris l’océan : l’ONU estime la présence de ces déchets marins à 150 millions de tonnes. Jusqu’à l’endroit le plus reculé de la planète. Une récente étude de l’Université de Newcastle a ainsi révélé la contamination aux microfibres de plastique de 100% de la faune vivant dans la fosse océanique des Mariannes (11 km de profondeur dans le Pacifique). Selon les prévisions de la Fondation Ellen Mac Arthur, « si rien ne change, les océans devraient contenir, d’ici à 2050, en poids, plus de plastique que de poissons ».
Le plastique, troisième matière la plus produite au monde
Dans son rapport « Pollution plastique : À qui la faute ? » paru en mars 2019, le WWF constate : « Nous ne parvenons pas à fermer la boucle du plastique pour deux raisons. D’une part, l’industrie du recyclage n’est pas rentable et ne parvient pas à se développer. D’autre part, les consommateurs disposent d’un choix limité d’alternatives durables au plastique. » Il y a pourtant urgence, à lire l’ouvrage La guerre au plastique est enfin déclarée (éditions L’Harmattan, 2019) signé Jacques Exbalin. On y apprend que le plastique est désormais la troisième matière la plus produite au monde, après l’acier et le ciment. Comme le souligne Nathalie Gontard, directrice de recherche en sciences de l’aliment et de l’emballage à l’Institut national de la recherche agronomique (Inra), « nous produisons et utilisons toujours davantage de plastique.
Dans le monde, 79% de déchets plastiques sont dans la nature et les décharges.
À tel point que cette matière va jusqu’à remplacer les matières naturelles, comme le coton. Si bien que l’on perd, en plus, un savoir-faire traditionnel. 75% de nos vêtements, par exemple, contiennent aujourd’hui des matières synthétiques ». Notons que l’emballage constitue la grande majorité des plastiques à courte durée d’utilisation : quelques heures, par exemple, pour un steak haché. Autant d’emballages qui ne se recyclent pas. En effet, seuls les plastiques de type bouteilles en PET (polyéthylène téréphtalate), qui ne représentent qu’un pourcentage très faible des plastiques consommés, peuvent se plier aux contraintes du recyclage en boucle fermée et être régénérés pour une utilisation identique. Or, si en Europe une bouteille en PET sur deux est recyclée, moins d’une sur dix redeviendra bouteille, pour des raisons de sécurité du consommateur : il y a un risque de contamination si le contenant a été utilisé pour y entreposer un liquide dangereux. Nathalie Gontard dénonce également le fait que l’on cherche maintenant à écouler cette matière usagée : « Nous créons un appel d’air. Tant qu’on arrivera à intégrer ce déchet dans la boucle de l’économie circulaire, on l’utilisera. Or le meuble, le revêtement de route ou la brique de construction faits à partir de déchets plastiques ont, eux aussi, une durée de vie limitée. Ainsi, le plastique finira systématiquement en déchet. »