Indonésie : L’archipel des polymères
Situé en Asie du Sud-Est, l’Indonésie est, après la Chine, le deuxième État à déverser le plus de déchets plastiques dans les océans du globe.
Isabel et Melati Wijsen ont commencé par ramasser les déchets plastiques qui, à Bali, parsemaient leur chemin vers la plage de sable noir volcanique de Seseh que viennent ourler les vagues bleues. Puis, en 2013, les deux sœurs néerlando-balinaises, alors respectivement âgées de 10 et 12 ans, ont fondé l’association Bye Bye Plastic Bags, embarquant, dans leur sillage, de nombreux autres jeunes pour lutter contre cette pollution. Jusqu’au gouvernement de Bali qui, en décembre 2018, a interdit les sacs plastiques. Désormais, leur aura dépasse les frontières de leur île : plus d’1,4 million de personnes ont visionné leur conférence TED et elles sont invitées à témoigner dans le monde entier. À les rencontrer à la sortie des classes, on oublie leur jeunesse. « Les moins de 14 ans, lancent-elles, ne représentent peut-être que 25% de la population mondiale, mais ils sont 100% de l’avenir. »
La campagne onusienne « Océans Propres »
Actuellement, l’Indonésie est le pays qui déverse le plus de déchets plastiques dans l’océan mondial, après la Chine(1). Pas étonnant que le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (Pnue) ait choisi, en 2017, de lancer sa campagne mondiale « Océans Propres » dans cet État du Sud-Est asiatique, le 4e plus peuplé de la planète avec 265 millions d’habitants. Objectif : mettre un terme aux déchets plastiques, dont 8 millions de tonnes sont déversées chaque année dans les océans du globe. À cette occasion, l’Indonésie s’est engagée à réduire cette pollution de 70% d’ici à 2025.
Pas de vérritable système de traitement des ordures
L’enjeu est vital : près de la moitié de la population mondiale dépend directement des océans pour sa subsistance(2) et le poisson est l’une des denrées alimentaires les plus échangées à l’échelle de la planète(3). Mais les résultats énoncés par Gede Hendrawan, directeur du groupe de recherche sur l’environnement marin et côtier à l’Université Udayana de Denpasar, à Bali, nous plongent dans l’abîme : « 80% des détritus que nous avons récoltés au large de Bali sont des matières plastiques et 50% d’entre elles mesurent moins de 0,2 millimètres. À cause des rayons ultraviolets et du sel de mer, elles se dégradent sous la forme de nanoparticules. Et les poissons les ingèrent, car ils ne font pas la différence avec le plancton, à la base de leur chaîne alimentaire. » Le scientifique s’inquiète de l’impact négatif qu’ont ces résidus sur la reproduction et la croissance des poissons : « Nous avons retrouvé entre cinq et vingt morceaux de plastique dans 100% des estomacs des sardinelles analysées (une espèce de poissons très répandue autour de Bali). Au final, nous mangeons le plastique que nous jetons dans les océans. » À écouter Enri Damanhuri, directeur du groupe de recherche sur la gestion de l’air et des déchets à l’Institut Technologique de Bandung, sur l’île de Java, « le principal problème vient de l’absence, en Indonésie, d’un système de traitement des ordures digne de ce nom. En zone urbaine, seulement 70% sont ramassées et 40% en milieu rural ». Le professeur pointe également du doigt « l’habitude ancrée chez les habitants de jeter les emballages autour d’eux, comme à l’époque où les aliments étaient empaquetés dans des feuilles de bananiers. Sauf que le plastique, devenu omniprésent, n’est pas biodégradable ».
(1) Jambeck et al.
(2) Our Ocean.
(3) Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).