Réparer, ensemble, pour ne plus jeter
Un grille-pain qui disjoncte, un téléphone portable muet, un réveil qui fait la grasse matinée… (presque) tout peut être réparé dans les Repair Cafés.
Les Repair Cafés, une expression bricolée à partir de deux mots : le verbe anglais « réparer » combiné au mot « café » pour souligner la convivialité à lutter, ensemble, contre le tout jetable. L’idée vient d’une journaliste et militante écologiste néerlandaise : « Chaque semaine, lors de la collecte municipale des déchets destinés au recyclage, confie Martine Postma, j’observais avec honte les piles d’objets qui allaient finir à la poubelle. À mes yeux, ce n’étaient pas des déchets, mais des biens dont la valeur était ignorée. Je me suis alors demandé comment intéresser de nouveau les gens à la réparation. »
Pour mettre fin à ce gaspillage et lutter contre l’obsolescence programmée, la jeune femme a rassemblé, en 2009, dans le hall d’un théâtre d’Amsterdam, des bricoleurs expérimentés et des gens aussi désemparés face à une boîte à outils qu’une poule qui a trouvé un cure-dent ! Le temps d’un atelier convivial de réparation d’objets. Parfois, il suffit de changer un joint, une courroie ou un fusible et c’est reparti pour plusieurs années.
Les dix ans des Repair Cafés
Face au succès, Martine Postma a organisé des rendez-vous réguliers, toujours gratuits et ouverts à tous. Puis elle a créé, en 2010, la Fondation internationale Repair Café. Au 1er janvier 2019, le site dédié repaircafe.org recensait 1 684 rendez-vous dans 36 États. En France, le 6 avril 2013, lors de la Semaine du développement durable, trois premiers Repair Cafés ont officiellement été lancés à Vauréal (Val-d’Oise), Paris et Nice (Alpes-Maritimes).
Des biens dont la valeur est ignorée.
Actuellement, l’Hexagone compte 238 Repair Cafés membres de la Fondation. Un nombre toujours en expansion. La plupart des porteurs de projet de ces associations bénéficient d’un soutien, en nature, de la mairie de leur commune pour organiser leur atelier dans une salle municipale et communiquer sur l’événement. L’enjeu environnemental est essentiel. D’ailleurs, les visiteurs sont invités à peser leurs objets sur une balance afin de connaître le poids de déchets évités. Cependant, la plupart des Français qui fréquentent les Repair Cafés le font pour des raisons financières. Le réflexe du « bon pour la casse » perdure ainsi pour le petit électroménager, tel le sèche-cheveux ou la machine à café, car le prix de sa restauration est plus élevé que son achat neuf. D’où l’importance de ces rendez-vous dans lesquels les objets « économiquement irréparables » sont remis en état gratuitement. Notons que dans les Repair Cafés, le taux de réparation s’élève, en moyenne, à 55%.
Fin de la génération Kleenex
L’aspect pédagogique est inhérent au Repair Café : les visiteurs doivent assister à la réparation. Parfois, ils sont invités à donner un coup de main, ne serait-ce que tenir deux bouts de fil. Ou davantage : « J’ai pu apprendre en mettant les mains dans le cambouis. C’est ça qui est super, s’exclame Anne Kattie, visiteuse au Repair Café de Vauréal. J’ai découvert le cœur de mon presse-vapeur. Toute une culture que je n’avais pas. » Pour Philippe Caner, cofondateur du Repair Café de Sophia Antipolis (Alpes-Maritimes), les Repair Cafés ont un « bel avenir » : « La génération Kleenex, celle des produits en plastique prêts à jeter, laisse peu à peu la place à une nouvelle génération. Pour des raisons financières, à la suite de la crise de 2008, ou environnementales, celle-ci en a assez de jeter ses affaires à la poubelle et est désireuse de les réparer ou d’apprendre à le faire. Les mentalités évoluent enfin. »