« Nous vivons dans l’illusion de la disparition des déchets »
Pourquoi les Français produisent-ils deux fois plus de déchets ménagers qu’il y a 40 ans ?
Les habitudes des consommateurs ont changé : ils s’alimentent davantage hors de leur domicile et achètent des plats tout préparés emballés. Parallèlement, l’offre a évolué : on trouve davantage d’emballages et d’objets jetables, notamment à usage unique, comme les lingettes nettoyantes et les couches pour enfants. Enfin, les déchets organiques ne sont plus compostés comme autrefois, particulièrement en milieu urbain où vivent désormais 80% des Français.
Qu’en est-il si l’on compare avec nos voisins européens ?
Concernant les déchets résiduels, nous sommes dans la moyenne. La performance de tri n’indique pas tout. Le Danemark et la Suède produisent des quantités résiduelles importantes en valeur absolue. Alors que l’Italie combine une bonne performance de tri et une quantité de production des déchets plus faible : les matières sont valorisées à plus de 50%. Ces bons résultats s’expliquent par le respect des consignes de tri, particulièrement des déchets organiques, et par la tarification incitative.
Quelles sont les conséquences d’une telle production de déchets ?
Les modes de traitement choisis posent problème. L’incinération entraîne des pollutions, notamment de l’air, et participe au réchauffement climatique. Depuis 30 ans, il existe des mécanismes de filtres pour éviter au maximum que les fumées toxiques ne s’échappent, mais des résidus d’épuration des fumées d’incinération des ordures ménagères (Refiom) persistent.
« Le coût du traitement des déchets est élevé pour la collectivité »
Par ailleurs, les filtres d’épuration des fumées sont enfouis dans des décharges. Tout comme les mâchefers, ces résidus solides composés de cendres et d’incombustibles divers qui concentrent des polluants, en particulier des métaux lourds. Or, pour 100 kg de déchets brûlés, 20 kg de mâchefers sont produits. Quant aux décharges, elles impactent le sous-sol et les nappes phréatiques, car la membrane de protection n’est pas indéfiniment étanche. En plus, on ne sait pas éradiquer les déchets particulièrement toxiques, comme les piles qui suffisent à contaminer tout un lot de déchets non dangereux. Sans compter les émanations de méthane liées à la décomposition de déchets organiques malgré, là aussi, les dispositifs de captation. Le coût est ainsi élevé pour la collectivité, non seulement d’un point de vue économique, mais aussi sanitaire et environnemental.
Pourquoi privilégier l’anglais Zero waste au français Zéro déchet ?
En Français, il faut allier deux mots pour traduire l’enjeu global qui passe à la fois par le Zéro déchet et le Zéro gaspillage et pas seulement par la réduction de la poubelle. C’est d’ailleurs pour éviter le gaspillage des ressources naturelles que nous avons lancé le Défi « Rien de neuf ». Nous attirons l’attention sur les alternatives au neuf, via l’achat d’occasion, la réparation, le troc, etc. Puisque ces biens ont déjà mobilisé des matières premières, on évite d’en extraire de nouvelles ; idem pour les ressources naturelles, comme l’eau. Cela permet aussi de diminuer les émissions de gaz à effet de serre inhérentes au transport. Autre avantage : on allonge la durée de vie des produits. L’hygiénisme d’Eugène Poubelle a eu pour fâcheuse conséquence de couper les habitants de leur production de déchets en les exportant à l’extérieur de la ville. Et aujourd’hui, en les brûlant. Nous vivons ainsi dans l’illusion de la disparition des déchets.